- C'est quoi être un auteur
de bédé ?
En fait, se sentir auteur de
bédé c'est quand on décide
d'en faire tout simplement. C'est tellement évident,
j'ai appris et compris que c'était vraiment
un métier en lisant le livre de Numa Sadul
et je me suis dit allons-y !. Après le bac,
j'ai pris une année sabbatique durant laquelle
j'ai fait une bédé de 70 pages, jamais
publiée, mais il y a eu une hésitation
de la part de Casterman, ce qui était plutôt
encourageant. Le simple fait que ce soit accepté
par mes parents, le simple fait d'avoir sa table,
de prendre sa feuille et de commencer à dessiner
etc, m'ont suffit et je me suis fait mon auto-formation,
je ne me suis servi de rien, pas de modèle
sauf l'histoire que j'avais en tête. Il fallait
surtout que ce soit le plus fluide possible. Je
la réutiliserai plus tard, quand ça
sera mieux digéré. C'était
l'histoire d'un gamin qui avait été
enrôlé dans les derniers mois de la
2e guerre, le summum du cauchemar pour un môme
et je l'ai exorcisé en faisant cette bédé.
Un truc dramatique, pas drôle, après
quoi j'ai préféré l'humour
aux choses sinistres.
- Votre premier livre publié
? :
C'est L'Ivoire, aux
éditions Magic Strip, dans la collection
Atomium, déjà avec Jean Regnaud, on
s'est dit : Allez amusons-nous, faisons un truc
drôle. Il y a donc eu cette proposition pour
une histoire de trente pages. En visionnant plusieurs
numéros de cette collection, j'ai constaté
qu'en règle générale, les trente
pages étaient rarement bien utilisées,
car sur un petit format, peu de pages, on se dit
qu'on ne peut pas raconter grand chose, du coup
la collection Atomium était quelque chose
de très graphique, au parti pris esthétique
et je me suis dit : non, racontons, faisons du texte.
J'ai toujours aimé les gens qui font du 4
bandes, les bédés 3 bandes, j'ai souvent
pensé que c'était de la fainéantise,
46 pages 3 bandes, je ne vois pas ce qu'on peut
raconter…
- Et la réception ?
Un succès commercial
impossible parce que c'était une toute petite
maison et un tirage à 1500 exemplaires, mais
un vrai succès d'estime dès la sortie.
Ça restait de la bédé traditionnelle
et j'ai été assimilé à
l'École Challand -qui venait de mourir et
à qui il fallait peut-être trouver
un successeur-- mais mon but n'était pas
de reproduire ce qu'il faisait. Ce qui m'intéressait,
c'était l'esthétique de son trait,
propre à ces années 40/50, très
beau, très souple -d'ailleurs avec Jules
j'y reviens- le dessin de l'époque avec l'esprit
d'aujourd'hui. Un décalage au vitriol qui
souligne nos pires côtés avec un dessin
d'une grande naïveté. Le Cimetière
des Éléphants où il parle
de colonialisme est très drôle, avec
ce dessin innocent à la Hergé, accompagné
de textes abominables, d'un racisme horrible, c'est
Tintin au Congo dans les années
80, on en rajoute. Le jeune Albert est
une œuvre majeure dans la bédé,
la plus philosophique et la plus noire que j'ai
jamais lue, les gens qui ont aimé Challand
ne l'oublient pas. Avec toujours ce trait naïf
des années 50 à la Franquin et des
idées terrifiantes sur soi. Ces paradoxes-là
posent des questions et c'est ce qui m'a paru intéressant.
Cette clarté dans le dessin, le côté
clair dans le sens épuré, mais aussi
dans le sens propre, très propre, avec derrière
une crasse monstrueuse. Ça m'a stimulé,
je me suis dit qu'il fallait continuer à
perturber avec cette idée qu'avait lancée
Challand. Mais c'est quand même quelque chose
d'assez impersonnel, c'est l'esprit de quelqu'un
qu'on reprend. Puis en faisant la rencontre de gens
comme Christophe Blain, on voit avec quelle liberté
ils travaillent et on se dit, voilà !
Cette école populaire de la bédé, des années trente à cinquante, a été complètement reniée quand la bédé a grandi, a fait sa crise d'adolescence. Tout est devenu grossier, exagéré dans les traits, c'est devenu du gros nez, quand on voit les personnages de Walttéry ou même de Franquin, ça dégénère, ça se laisse aller… Au départ, il y avait une super élégance, comme dans le trait d'Hergé. Mais il y a une évolution normale, le trait se lâche, éclate, ça devient presque grotesque comme un discours d'ado. On a laissé tomber la pureté du départ et je trouve bien d'y revenir. Ça m'est venu naturellement, et ça me semblait être un dessin super accessible, fédérateur, lisible des grands comme des plus petits. En épurant toutes les lignes, on va à l'essentiel, si on va à l'essentiel, on va à l'histoire. On ne se perd pas dans des détails, des décors trop fouillés, chaque dessin doit être au service de l'histoire, ce qui veut dire que les personnages faisant l'histoire sont souvent présents, et le décor est là uniquement quand il faut. Le décor n'apporte pas plus de réalisme, puisqu'on est dans l'histoire… j'aimais bien ce trait-là et je l'ai donc adopté. Tout ça pour dire que si je suis revenu à un truc simple -au départ, je me suis lancé dans la ligne claire beaucoup plus esthétisante, plus graphique emblématique des années 80-- c'est que je me sentais prisonnier de ce style et que j'ai rencontré des gens libres (Sfarr, Trondheim, Blain). Et auparavant il y a eu un grand choc dans ma vie, c'est Maus d'Art Spiegelman. C'est pour moi de la pure ligne claire, le texte et le dessin, tout va à l'essentiel.
Cette école populaire de la bédé, des années trente à cinquante, a été complètement reniée quand la bédé a grandi, a fait sa crise d'adolescence. Tout est devenu grossier, exagéré dans les traits, c'est devenu du gros nez, quand on voit les personnages de Walttéry ou même de Franquin, ça dégénère, ça se laisse aller… Au départ, il y avait une super élégance, comme dans le trait d'Hergé. Mais il y a une évolution normale, le trait se lâche, éclate, ça devient presque grotesque comme un discours d'ado. On a laissé tomber la pureté du départ et je trouve bien d'y revenir. Ça m'est venu naturellement, et ça me semblait être un dessin super accessible, fédérateur, lisible des grands comme des plus petits. En épurant toutes les lignes, on va à l'essentiel, si on va à l'essentiel, on va à l'histoire. On ne se perd pas dans des détails, des décors trop fouillés, chaque dessin doit être au service de l'histoire, ce qui veut dire que les personnages faisant l'histoire sont souvent présents, et le décor est là uniquement quand il faut. Le décor n'apporte pas plus de réalisme, puisqu'on est dans l'histoire… j'aimais bien ce trait-là et je l'ai donc adopté. Tout ça pour dire que si je suis revenu à un truc simple -au départ, je me suis lancé dans la ligne claire beaucoup plus esthétisante, plus graphique emblématique des années 80-- c'est que je me sentais prisonnier de ce style et que j'ai rencontré des gens libres (Sfarr, Trondheim, Blain). Et auparavant il y a eu un grand choc dans ma vie, c'est Maus d'Art Spiegelman. C'est pour moi de la pure ligne claire, le texte et le dessin, tout va à l'essentiel.
- Peut-on en deux mots définir
la ligne claire :
C'est un dessin au service d'un
texte, un texte au service d'un dessin avec une
fluidité et une lisibilité du début
à la fin de l'histoire, où rien n'est
gratuit. Pour moi Pratt, c'est un écrivain,
un dessinateur écrivain, je le compare souvent
à Kessel, plein d'aventures, de vrais personnages.
Il s'est servi de façon fantastique de la
bédé pour faire passer son truc. Puis
il y a eu Spiegelman, et j'ai compris que c'est
un mode d'expression à part entière.
Quand on lit Les Passagers du vent ado,
c'est une étape, mais aujourd'hui c'est illisible.
Ça correspond à un éveil, mais
ce n'est pas de la bédé adulte, où
l'on sent le monde intérieur très
riche des auteurs. L'auto-fiction, c'est un mélange
d'eux et du monde. Savoir où l'on en est
philosophiquement et psychologiquement. On a beaucoup
de choses à partager, ma définition
de la culture c'est le partage, l'échange,
qui vient du fond de nous-mêmes. Mais il faut
faire attention à ne pas trop se livrer tout
de même, mieux vaut digérer le tout
avant que ça sorte. J'ai l'impression de
faire des œuvres autobiographiques, mais digérées,
analysées. Forme d'expression toute simple,
la spontanéité c'est aussi ne pas
chercher à transformer nos émotions
comme le font beaucoup de scénaristes professionnels,
pas assez introspectifs. Les personnages, c'est
nous, ils sont partout à longueur de journée,
pas besoin de marginaux déjantés,
il faut aller chercher au fond de nous-mêmes,
on a tous mille personnalités, tous un peu
schizo, s'est bon de se laisser aller à la
folie de temps en temps, bon voilà il suffit
de puiser en soi-même la folie, la méchanceté,
celles qui nous font peur pour les exorciser. Il
y a beaucoup de naïveté chez les gens
de bédé, qui se pensent éthiquement
parfaits, mais on a toujours des côtés
hyper tordus. On a toute la gamme de l'humanité
en nous. Les personnages de bédé existent
tous dans la mesure où ce sont leurs auteurs,
ou des traits de caractère qu'ils ont puisés
chez les autres.
Tout est digestion dans la création. Ce qui fait la différence entre la bédé de création et la bédé de production pure.
Tout est digestion dans la création. Ce qui fait la différence entre la bédé de création et la bédé de production pure.
- Vous avez essayé d'autres
modes d'expression ?
En me lançant adolescent,
je pensais faire un jour un truc perso, sérieux.
Par ce biais, je pensais à l'enfance, qu'est-ce
qu'on leur donne à lire ? Les enfants d'aujourd'hui
lisent la même chose que leurs arrières
grands-parents, en ce sens la bédé
familiale est fédératrice, il y a
différents degrés de lecture qui développent
la sensibilité des enfants en voyant leurs
parents rire et les adultes s'accrochent à
ça. Il y a des choses qui me paraissent encore
aujourd'hui mystérieuses et je garde ce moyen
d'expression pour découvrir quel est ce mystère
que je ne comprenais pas étant enfant. L'enfant
fait travailler son cerveau en créant une
dynamique, un mouvement entre plusieurs cases. Il
y a aujourd'hui le phénomène Titeuf,
où c'est du gag, mais il n'y a pas de recul,
on reste enfant. À côté de ça,
il n'y a plus de grandes aventures, peut-être
Denis Lapierre, trop basé sur la bédé,
c'est l'histoire d'un gamin qui vit des aventures
à travers la bédé qu'il lit,
d'où un univers qui se mord la queue. Jules
vient de tout ça, en repensant à ma
fascination pour les sciences, ma passion pour l'astronomie,
j'ai découvert que l'on est fait de matière
venant du fin fond de l'univers, qui a été
façonnée dans des géantes rouges
et je me dis pourquoi les gens ne savent pas ça,
les conflits générés aujourd'hui
sont dus au fait que l'on ne sait pas qui l'on est,
on a un savoir commun atomique et moléculaire,
d'où l'idée qu'on puisse relativiser,
plus de nations, ça fédère.
L'art doit fédérer, on fait passer
une émotion, on s'identifie. Au départ,
la bédé a été créée
pour les enfants, donc il faut revenir à
ça, s'en servir pour éduquer, mais
éduquer ce n'est pas faire la morale, c'est
montrer les bases du savoir, poser des problèmes,
questionner, continuer à raconter aux enfants
des histoires, en rire et se questionner. Les autres
deviennent des entités, c'est déclencher
le plus tôt possible la crise existentielle
que l'on connaît tous.
- Pourtant vous abordez des thèmes très sérieux… Qui parle aujourd'hui du monde tel qu'il est ? N'y a-il pas moins de pression et de censure en bédé ?
C'est possible parce que la
bédé n'est pas prise au sérieux
! Marjane Satrapi a compris tout de suite la force
du support. Elle s'est sentie plus libre en faisant
de la bédé plutôt qu'un film
ou un livre, même avec la peur au début
de voir tomber sur elle une fatwa, puisqu'il s'agissait
de sa vie personnelle. Mais je lui ai dit qu'elle
n'avait pas à s'inquiéter, que c'était
de la bédé, juste de la bédé
… !
- Les thèmes que vous abordez, la mort…
C'est essentiel, la mort cellulaire
programmée c'est énorme, mais qui
sait exactement ce que c'est. De quoi suis-je fait,
pourquoi je vais mourir, arriver à comprendre
que l'entité particulière est prête
à mourir pour la totalité…Ce
qui m'énerve c'est que le monde des sciences
est dénigré aujourd'hui, le côté
mécanique est méprisé par les
gens d'esprit, c'est toujours le même souci
d'éducation pour moi dans la bédé,
la relativité, le clonage, la préhistoire…
On peut toucher les enfants, les sensibiliser très
jeunes, ils ont soif de tout ça.
- C'est presque de la bédé
métaphysique, votre programme…
Oui, mais pas tant que ça
finalement. C'est d'abord de la réalité,
ensuite on part sur la bédé, donc
on peut se permettre toutes les fantaisies, en me
basant sur une réalité qu'il est important
de divulguer. La bédé a été
créée pour les enfants au départ,
il y a des sujets fantastiques, la science, savoir
qui on est, où on va, c'est quand même
une sacrée aventure…Les enfants se
souviennent de choses qui les marquent, les adolescents
moins, mieux vaut parler à des enfants, concentrons-nous
sur l'enfance puisqu'elle est en prise directe avec
le monde adulte.
- Vos bédés sont-elles
de l'auto-fiction ?
Ah mais c'est moi quelque part
! En tout cas, c'est toujours lié à
mon enfance, les situations sont transposables dans
ma propre enfance, il faut que ce soit plausible
pour moi, il faut que j'y crois, je me mets dans
la peau d'un môme de 12/13 ans. Mes personnages
sont des synthèses de gens que j'aurais aimé
connaître, c'est aussi jouer, pas simplement
inventer.
- Comment s'est passée
la rencontre avec Blain, Sfar etc ?
C'est incroyable, on est arrivé
à l'atelier Nawak (Trondheim, D.Bauchard)
quasiment ensemble, une place se libérait
pour moi, Christophe Blain était à
peine en train de s'installer, Joan Sfar arriverait
3 semaines après et Emmanuel Guibert au bout
d'un 1 an. En découvrant Les Carnets
d'un matelot de Christophe, les croquis sur
son année de service militaire passé
dans la marine dont il a fait un livre superbe,
je me suis dit : voilà comment j'aurais aimé
dessiner si je savais dessiner. Puis Joann est arrivé
avec sa liberté d'expression et je me suis
dit qu'il fallait se lâcher, se libérer
d'un graphisme que j'avais adopté, qui me
venait de ma formation maquettiste-illustrateur,
la ligne claire se vendant bien en illustration
dans les années 80.
J'ai compris que la bédé
ce n'était pas le graphisme, c'est tout autre
chose, c'est l'histoire. Il faut que le dessin se
libère pour être réellement
au service de l'histoire.
Ensuite, il y a eu une symbiose
qui s'est créé au sein de l'Atelier
entre ces deux écoles, celle de Joann et
la mienne. J'ai un passé cartésien,
je viens du technique et chez moi on sent un catholicisme
latent, les choses sont judéo-chrétiennes,
il faut que ce soit carré. Je lui (Joann)
ai vendu le fait de construire une histoire, même
s'il ne l'adopte pas du tout, mais mon truc à
moi c'est très structuré, rien n'est
laissé au hasard, si l'histoire n'est pas
finie, je ne me lance pas dans le dessin. Comme
je vous le disais ça sort, le dessin est
là, ensuite je taille dedans, c'est souvent
très fluide, mais dans la structure il faut
que ça tombe pile-poil. Ce sont des rouages,
des petits mécanismes, il faut que ça
fonctionne de la 1e à la dernière
case et c'est un travail d'horloger en amont. Mais
qui ne m'empêche pas de m'exprimer. En fait
dans les dialogues, mon processus de création
est assez simple, je me lance, je joue, je me mets
en situation, mais dans le fil conducteur de la
structure, je fonctionne avec un chemin de fer.
Néanmoins le résultat final est le
même, soit on le prépare instinctivement
dès le départ, soit on le construit.
Mais pas laborieusement attention ! Je n'aime pas
le travail laborieux. Il faut se faire plaisir avant
tout.
En se retrouvant en atelier,
chacun avait sa vision, mais finalement tout se
complétait. On voulait tous dire la même
chose, s'exprimer et communiquer des choses aux
gens. Les nouveaux qui arrivent -je pense notamment
à Riad Sattouf- étaient coincés
dans l'univers sclérosé de la bédé,
c'est-à-dire une bédé de commande
avec un scénariste-producteur, un style réaliste,
des cadrages cinématographiques etc…
Riad est la première personne qui a su romancer,
raconter son époque, c'est un auteur contemporain
qui ne tombe pas dans le consensuel. On sent le
chaos de notre société dans les bédés
de Riad. Voilà un auteur ! Quelqu'un qui
parle de son monde, et qui le connaît bien
son monde. Ça a tout de suite collé
avec ces gens. Ça s'est fait naturellement.
Marjane a récupéré l'atelier des Vosges (anciennement l'Atelier Nawak ndlr) et voilà aussi un phénomène intéressant.
Avec Cizo et Winshluss, ils ont repris le magazine Ferraille (crée par Les Requins marteaux), dont le personnage, M. Ferraille, dénonce la société de consommation, et les dérives d'une bédé qui devient un empire commercial. Ils vont jusqu'au bout, par exemple ils ne veulent pas se faire éditer par de grandes maisons. Ils ont créé une expo d'art contemporain, Le Supermarché Ferraille, où tous les produits sont détournés via la bédé, on consomme en se marrant quoi ! C'est un concept détonant, super interactif et qui engendre un questionnement sur nous-mêmes. On a crée cette expo dans le monde de la bédé et pas dans le monde de l'art et on en est fiers… Il y a beaucoup d'autodérision dans le monde bédé, d'ailleurs comment peut-on faire de la bédé et se prendre au sérieux !
Marjane a récupéré l'atelier des Vosges (anciennement l'Atelier Nawak ndlr) et voilà aussi un phénomène intéressant.
Avec Cizo et Winshluss, ils ont repris le magazine Ferraille (crée par Les Requins marteaux), dont le personnage, M. Ferraille, dénonce la société de consommation, et les dérives d'une bédé qui devient un empire commercial. Ils vont jusqu'au bout, par exemple ils ne veulent pas se faire éditer par de grandes maisons. Ils ont créé une expo d'art contemporain, Le Supermarché Ferraille, où tous les produits sont détournés via la bédé, on consomme en se marrant quoi ! C'est un concept détonant, super interactif et qui engendre un questionnement sur nous-mêmes. On a crée cette expo dans le monde de la bédé et pas dans le monde de l'art et on en est fiers… Il y a beaucoup d'autodérision dans le monde bédé, d'ailleurs comment peut-on faire de la bédé et se prendre au sérieux !
- Le paysage éditorial vu par Emile Bravo ?
Sinistré ! À part
quelques productions, une nouvelle école,
qui apportent l'ère adulte (alors que la
plupart des bédé reste du domaine
de l'adolescence). Une bédé c'est
avant tout une histoire évidemment liée
au dessin, mais il faut avoir des choses à
dire. La bédé est plus proche du monde
littéraire que du monde graphique (peinture,
illustration…). Il y a beaucoup de productions
qui ne sont pas réellement de la bédé,
parce que la bédé porte en elle cette
idée de fluidité, d'indissociabilité
entre le texte et le dessin. Le marché se
porte bien grâce à des productions
comme 13, Largo Winch (story board
de cinéma, télé feuilletons),
j'ai des doutes quant à la noblesse de ce
métier. On est tombé bien bas, mais
je suis certain que la bédé puise
son lectorat dans un ghetto de gens, et ça
m'attriste. En resituant la bédé et
l'enfance, je place mon ambition, il faut prouver
aux parents qu'on a des choses intéressantes,
drôles et éducatives à leur
offrir et à partager avec leurs enfants.
Il faut se concentrer là-dessus, un dessinateur
de bédé se doit de se pencher sur
l'enfance.
On parle de bédé adulte, alors que ça n'existe pas, c'est de la bédé pour adolescent, la véritable bédé adulte est lisible pour les enfants. Maus est lisible par un enfant, c'est une certaine forme de violence, mais assez prude à travers l'animalisation, qui apporte une petite distance par rapport à l'intolérable.
On parle de bédé adulte, alors que ça n'existe pas, c'est de la bédé pour adolescent, la véritable bédé adulte est lisible pour les enfants. Maus est lisible par un enfant, c'est une certaine forme de violence, mais assez prude à travers l'animalisation, qui apporte une petite distance par rapport à l'intolérable.
- L'Association pour vous, ça représente quoi ?
Il faut se concentrer sur le livre, qui ne mourra
pas, jamais. Le papier, c'est essentiel, la bédé
c'est du livre et elle se développera ainsi
plutôt qu'en magazine.
Pour lire l'interview, allez visiter le site Positions, la revue en ligne d'Actes Sud
Propos recueillis par Thomas Gabison et Michel Parfenov
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