samedi 3 octobre 2009

Emile Bravo, dans on a marché sur la Bulle n° 18

Une interview dans le magasine : On a marché sur la Bulle n° 18 (Janvier 2009).
Par Elsa Flandin

Émile Bravo se confie sur dix pages, au travers d'une interview intimiste.... 
  Juste un petit extrait, afin de vous mettre l'eau à la bouche...

Elsa Flandin:
Donc si je résume notre rencontre, la conclusion c'est que la BD c'est de "l'écriture" c'est ça?

Émile Bravo :
Voilàààà! Et toutes les écritures sont, à la base, du dessin!
Je le vois à travers le monde, dans des sociétés où le dessin est mis en valeur.
Regardez les écritures orientales idéographiques, ce sont des dessins.
Il existe dans ces pays un art de la calligraphie qui s'apparente à celui du dessin...
Parce qu'un idéogramme est un dessin, tout simplement.
De même, j'ai été surpris, en Bolivie, par l'intérêt des Indiens pour la bande dessinée et j'ai compris,  en observant l'art des Incas, que les codes graphiques faisaient partie de leur culture.
Ils comprennent le dessin comme un langage.

Dans ce même ouvrage, vous pourrez découvrir un entretien avec Alex Alice, Fanny Montgermont et Gotlib.

Vous pouvez vous procurer cet ouvrage en vous adressant à : On a marché sur la Bulle 

Format 15 x 21 - 61 pages.

vendredi 2 octobre 2009

La Maison close décoince la bulle sur écrans.fr du 01 Février 2009

Source écrans.fr
Par Astrid Girardeau

A l’occasion du festival d’Angoulême, le duo Ruppert et Mulot invite une trentaine de dessinateurs de BD à investir le site collaboratif. Un joyeux bordel.

« Peuplée de ses femmes faciles et de ses clients avec toutes les conséquences logiques ou illogiques que peut entraîner ce mélange des rôles, des sexes et des genres. » La Maison close a ouvert ses portes, son salon, sa chambre, ses toilettes et même son musée érotique. Les dessinateurs Jérôme Mulot - au vestiaire -, Florent Ruppert - au bar - et Lewis Trondheim - en vigile - régissent ce joyeux et frais bordel où se croisent une trentaine d’auteurs de bande dessinée. Les unes jouant les prostituées (Catherine Meurisse, Lisa Mandel, Aude Picault, Nadja, Lucie Durbiano… et Charles Berberian), les autres les clients (Killoffer, Boulet, François Ayroles, Emile Bravo, etc.) Mais la Maison close, c’est aussi des histoires de frite, de raquette de badminton, d’odeur de merde. Des rencontres surprenantes et des quiproquos sexuels croustillants.
Avec en poche une carte blanche de Philippe Dupuy et Charles Berberian, présidents du 36e festival de la bande dessinée d’Angoulême, qui se clôt ce dimanche, Ruppert et Mulot, jeune duo déluré et talentueux (Panier de singe, le Tricheur) ont monté ce projet collaboratif « de bande dessinée Web 2.0 » à plus de 60 mains. Conçu avant tout par et pour Internet, il est exposé au festival. L’année dernière déjà, les deux compères organisaient un Championnat de bras de fer en ligne entre seize auteurs (Frédéric Poincelet, José Parrondo, Frederik Peeters, etc.). En sortait un joli bazar, entre joyeuse malhonnêteté et coups bas. Pour la Maison close, ils ont repris les mêmes concept et fonctionnement. Ils ont simplement fourni les éléments du décor, et laissé les dessinateurs faire vivre leur personnage.
Cette fois, par contre, ils n’ont donné aucun squelette de scénario, simplement un « environnement bancal, une situation de déséquilibre », explique Ruppert. L’écriture des douze récits s’est faite façon cadavre exquis, au fur et à mesure entre les auteurs organisés en duo. Tous avaient accès à un site internet sue lequel ils pouvaient voir les dessins des autres et réagir en ping-pong.
« Cela a démarré doucement, se souvient le dessinateur, et au bout d’un moment il y a eu une espèce d’enthousiasme, un emballement très grisant, les scénarios ont commencé à se croiser. » Avec, comme « ingrédient indispensable », la liberté. Il évoque aussi le retour des auteurs sur cette expérience « qu’ils ont adorée », une « espèce de délire où ils se sont fait plaisir ». Et ça se sent et se ressent. Dans ce dédale de jeux de drague, private jokes et scènes tant absurdes que jouissives.
« L’autre point de départ de la Maison close a été un constat de la part d’amies auteurs féminines agacées que leur travail soit vu comme de la "bande dessinée filles" », poursuit-il. Le choix du thème de la maison close, « super sensible », est revendiqué : « Pour les questions tabous ou sur lesquelles on ne réfléchit pas tant que ça. » Quelques dessinatrices féministes se sont dites choquées par le projet. Elles ont écrit un pamphlet, « pas très pertinent » selon Ruppert, qui a surtout eu pour conséquence d’engager une « vraie discussion interne » autour du sujet.
Internet est également l’un des piliers du projet, comme support et « outil incroyable » au service du partage du savoir, de la démocratie, etc. Chaque auteur a travaillé depuis chez lui, à son propre rythme, avec sa façon de faire. « L’interaction a vraiment pris. Ensemble ils ont tressé une sorte de conglomérat d’histoires, raconte Ruppert. A un moment, l’enthousiasme a été tellement fort que les auteurs nous réclamaient d’autres décors, ils ne s’arrêtaient plus. Ils auraient pu fabriquer toute une vie en parallèle. »

1000ème Visiteurs...


mercredi 30 septembre 2009

Interview pour Point G... du 06 Janvier 2009

Le Salon du livre et de la presse jeunesse en Seine-Saint-Denis, qui s’est déroulé du 26 novembre au 1er décembre dernier (toujours à Montreuil) a délivré, encore une fois, son lot d’heureuses découvertes et de prix judicieusement attribués.
Interview du dessinateur Emile Bravo, lauréat du Tam-Tam catégorie BD, pour Ma maman, un joli album où Jean Régnaud raconte son enfance sans sa mère.


Ma maman
vient d’être primé au salon de Montreuil. Votre réaction (presque) à chaud ?


Emile Bravo :
je suis très content, surtout pour Jean (Régnaud), auteur de l’histoire. D’un point de vue graphique, j’ai essayé d’exprimer au mieux ce texte, qui m’a beaucoup ému, et apparemment ça a fonctionné.


Ma maman
se situe entre l’illustration et la bande dessinée, pourquoi ce choix ?


E.B. :
la bande dessinée et l’illustration, quand elles sont bien faites, ne reprennent pas forcément des passages du texte. Là, l’illustration apporte de la narration graphique, le récit a d’ailleurs été construit comme ça dès le départ. Jean visualisait déjà les illustrations, il les a décrites en détail. On voyait qu’il avait besoin de s’exprimer de façon graphique. Ensuite, il m’a paru intéressant de mêler illustration pleine page et bande dessinée quand il y a du dialogue. Parce que la bande dessinée, selon ma vision, c’est du dialogue !


Dans Ma maman, on se demande quelle est la part de vérité ! Par exemple, la petite fille qui donne des nouvelles imaginaires de la mère de Jean, le petit garçon, ça aurait pû être mignon mais c’est monstrueux, non ?


E.B. :
oui, mais c’est la réalité, il s’agit d’une œuvre autobiographique. Tout ne s’est pas passé forcément en même temps. En fait, Jean a rassemblé tous ses traumatismes pour en faire une histoire. Il l’a juste un peu romancée pour que chronologiquement l’histoire tienne sur six mois, mais tout est vrai !


La lecture de Ma maman est très agréable pour un adulte, on se replonge dans le monde de l’enfance, qu’il soit drôle ou cruel. Avez-vous travaillé sur une double lecture ou est-ce qu’une bonne histoire pour enfant, c’est une bonne histoire avant tout ?


E.B. :
je dis souvent qu’une bonne histoire pour adulte doit être lisible par un enfant et inversement. Il faut marier ces différents degrés de lecture pour qu’un adulte développe également son interprétation. Et si Ma maman plaît à tout le monde, c’est parce que l’histoire de Jean est très bien ficelée.


Vous êtes un auteur jeunesse, cette appellation vous convient-elle ?


E.B. :
je suis un auteur tout public. J’ai adopté cette écriture graphique qu’est la bande dessinée pour m’adresser à des enfants. Mais il ne faut pas s’imaginer que je m’enferme dans un univers, je parle à tout le monde. Etant un adulte, il faut que les histoires que j’illustre ou que je crée me plaisent, c’est pour cela, je pense, que je ne fais pas dans la mièvrerie.


Vous êtes aussi l’auteur des Epatantes aventures de Jules, de deux albums très drôles dont les héros sont sept ours nain, avez-vous envie de publier des albums uniquement pour adulte ?


E.B. :
si on part de ma définition, je considère que Jules ou les Ours nains c’est de la bande dessinée pour adulte, parce qu’il y a un degré de lecture pour adulte.


Oui, cela s’adresse aux enfants et aux adultes, mais publier une bande dessinée uniquement pour adultes, ça vous tente ?


E.B. :
mais être adulte, qu’est-ce que c’est ? Je pense que c’est quand on renoue avec son enfance. Et ce que l’on présente, en général, comme étant de la bande dessinée pour adulte (c’est pareil pour le cinéma, pour la littérature), c’est lorsqu’il y a du sexe et de la violence. Pour moi, ça s’adresse plutôt aux adolescents ! Des œuvres pour la jeunesse, comme Tintin par exemple, sont beaucoup plus mûres.


Vous parliez de Tintin, le slogan de 7 à 77 ans semble vous correspondre !


E.B. :
oui, ce qui beau dans la bande dessinée, que l’on ne retrouve pas forcément dans le cinéma ou la littérature, c’est que ça peut se lire à deux, ça se partage. Une interactivité se crée, ainsi qu’une complicité intergénérationnelle. Je trouve ça si fort, et tellement particulier à la bande dessinée, que je trouve dommage de ne pas l’utiliser.


A propos de votre style graphique, votre premier album, Ivoire, a été publié dans la collection Atomium chez Magic Strip, où vous avez succédé à la fine fleur de la ligne claire franco-belge : Chaland, Cornillon, Avril, Dupuy & Berberian, assumez-vous cette héritage ?

E.B. : je me souviens avoir lu, étant gamin, le livre d’entretiens* avec Hergé, mené par Numa Sadoul. Ils y évoquaient la question de la ligne claire. Pour Hergé, ce n’était pas du tout un mouvement graphique, mais l’adéquation entre le texte et l’image. Cela signifie que l’aspect esthétique ne prime pas sur la lisibilité, la clarté et la fluidité de l’histoire. L’image est au service du récit, point barre ! Le côté esthétique ne m’a jamais vraiment préoccupé… Je cherche, bien sûr, l’équilibre dans mes cases et ne me lancerai pas dans une plongée si ce n’est pas nécessaire. Je ne me considère pas comme un dessinateur mais comme un “narrateur graphique”. Ce qui est important avant tout, c’est l’attitude, le mouvement, le jeu des personnages. Je parle souvent de théâtre. Les décors sont là simplement pour étoffer, donner une ambiance, ils faut les évoquer sans trop de détails car ça peut nuire à la lisibilité. Tout ce qui doit être dessiné en arrière-plan ne nécessite pas d’être trop appuyé : ce sont des choses qui sont vues en deuxième ou troisième lecture. A mon avis, on ne doit pas trop jouer avec ça parce que ça peut déstabiliser le lecteur. Aujourd’hui, il me semble que beaucoup de gens ne savent pas lire un dessin, donc il ne faut pas les perturber.


N’y a-t-il pas, tout de même, à l’origine, une fascination pour Chaland ?


E.B. :
oui. Ce qui me paraît intéressant avec Chaland, c’est l’opposition entre, d’une part, la pureté du trait, ces jolis pleins et déliés qui font référence aux années 50, début 60, avec ce côté innocent de la bande dessinée de l’époque et, d’autre part, le propos, très dur. Voilà ce qui me plaisait chez lui, pas l’aspect esthétique. Je n’ai jamais cherché à l’imiter. Lui prenait beaucoup de plaisir à réaliser des décors, fantastiques ; les miens sont basiques. Chaland avait un côté très graphique, moi, j’épure le plus possible pour servir le récit.


Vous avez été doublement récompensé pour Ma maman… (Angoulème, Montreuil), pour « votre » Spirou (Le Journal d’un ingénu avec le prix des libraires BD. Est-ce l’année Emile Bravo ?
 

E.B. :
(rires) je ne sais pas ! Je ne suis pas dupe, je me rends bien compte que c’est le vecteur Spirou qui porte tout ça. A partir de là, il faut rester humble. Tant mieux si ça plait et si ça peut aider à ce que les gens se penchent sur mon enfant à moi, Les Epatantes aventures de Jules, j’en suis ravi.


Les projets ?


E.B. :
je viens de finir un Ours nain qui sort au mois de mars, et je vais attaquer un Jules.

*Tintin et moi, entretiens avec Hergé de Numa Sadoul. Editions Flammarion.

Propos recueillis par Laurent Assuid
Source Point G Magasine

Ruppert et Mulot présentent « La Maison Close » au festival de BD d'Angoulême 2009

Source : Site du Festival International de la BD d'Angoulême
Merci à Julie Rhéaume pour ces renseignements.

En contrepoint à la présentation de leur travail, Dupuy & Berberian ont souhaité que l’exposition qui leur est consacrée ouvre une fenêtre sur les nouveaux auteurs d’aujourd’hui.
C’est la raison d’être de l’invitation adressée à
Florent Ruppert et Jérôme Mulot, les auteurs du remarqué
« Panier de singe » (L’Association, 2006), lauréats de l’Essentiel Révélation lors de la 34e édition du Festival.

Une forme de connivence avec deux auteurs qui, eux aussi, partagent l’intégralité du processus de création sans en passer par la traditionnelle opposition dessin / scénario, en même temps qu’un passage de relais symbolique à la bande dessinée de nouvelle génération.
Libres de donner à leur intervention la forme de leur choix, Ruppert et Mulot ont opté pour un travail collectif intitulé « La Maison Close ».
Cette exposition-événement rassemblant une vingtaine d’auteurs reprend le principe du
«championnat de bras de fer» que Ruppert et Mulot développent sur leur site Internet : des joutes graphiques où chaque auteur participant met en scène son propre personnage et ses propres dialogues, Ruppert et Mulot jouant à la fois le rôle de décorateurs et d’arbitres.
Pour la circonstance, cette confrontation dessinée réunissant aussi bien des auteurs hommes que femmes s’inscrira dans l’espace d’une maison close peuplée de ses femmes faciles et de ses clients avec toutes les conséquences logiques ou illogiques que peut entraîner ce mélange des rôles, des sexes et des genres — mais chut, ne dévoilons pas davantage une installation- « happening » qui devrait en surprendre plus d’un… Outre son installation physique au sein de l’exposition Dupuy & Berberian, « La Maison Close » mise en place par Ruppert et Mulot prendra également la forme d’une bande dessinée en ligne à suivre sur le site du Festival...

Pour accéder au menu de
La maison close, cliquez sur les personnages pour accéder à leur "BD".

Pour visualiser l'intervention d'
Emile Bravo c'est ici



 

mardi 29 septembre 2009

Spirou, l'âge de déraison... sur Lepoint.fr du 29 Mai 2008

Spirou a 70 ans ! C'est en avril 1938 que Rob-Vel crée à la demande de Jean Dupuis, fondateur des éditions qui portent son nom, ce personnage de groom appelé à devenir l'un des symboles les plus fameux de la bande dessinée franco-belge. Mais c'est surtout André Franquin qui offre à la série ses lettres de noblesse lorsqu'il la reprend, en 1946. Il faut croire que les éditions Dupuis lui ont enfin trouvé un digne successeur en la personne d’Émile Bravo, qui signe avec ce « Journal d'un ingénu » une œuvre à la fois irrévérencieuse et très réussie. L'histoire se déroule à la veille de la Seconde Guerre mondiale à Bruxelles. Des négociations cruciales entre Allemands et Polonais ont lieu dans un hôtel où le jeune Spirou est un groom maladroit, naïf et manquant singulièrement de perspicacité. Sa rencontre avec Fantasio, un jeune paparazzi, et une désillusion amoureuse contribueront à le déniaiser et à lui ouvrir les yeux sur la complexité et la dureté du monde. Cet album est une pure merveille, qui montre que, malgré les assauts répétés du manga ou des comics américains, la BD franco-belge n'a pas encore rendu les armes.
Source : Lepoint.fr
Auteur : Romain Brethes

lundi 28 septembre 2009

Quand Émile Bravo réinvente le petit Spirou... sur BDgest

Source BDgest

Ce mercredi 23 avril, les Éditions Dupuis invitaient les amis de la bande dessinée à fêter les 70 ans de Spirou à l’hôtel Métropole de Bruxelles. A cette occasion, nous avons eu la chance de pouvoir poser quelques questions à Émile Bravo sur son étonnant album : Le Journal d’un Ingénu.


Tout d’abord, comment l’album est-il né ? D’où vous est venue cette idée de décrire les origines de Spirou ? Avez-vous été voir les éditions Dupuis avec un dossier sous le bras ?
Émile Bravo : Non pas du tout, je suis plutôt assez discret et je ne vais pas chercher le travail. En général, je le fuis même (rires).
Plus sérieusement, ils sont venus me chercher parce que Benoit Fripiat (ndlr : directeur éditorial adjoint chez Dupuis) appréciait beaucoup ce que j’avais fait sur la série « Une épatante Aventure de Jules ». Quand le moment est venu, il m’a appelé, on s’est vus et l’idée a germé tout de suite.
L’idée de base de l’album m’est, en fait, apparue très vite car quand j’étais gamin, je me posais beaucoup de questions sur le personnage de Spirou. Moi aussi, j’avais, à l’époque, besoin de plus de précisions sur son origine. Et donc, je me suis dit que ce qui serait intéressant dans l’écriture d’une aventure de Spirou et de Fantasio, c’était justement de répondre au gamin que j’étais et de lui apporter des réponses aux questions qu’il se posait. 


Quelles sont ces questions ?
Ces questions se retrouvent sur le quatrième de couverture de l’album. Ce sont celles qui qui me venaient naturellement lorsque je lisais les albums de Franquin.
Comment Fantasio et Spirou sont-ils devenus amis ? Comme se fait-il que Spip parle et pense comme un être humain ? Pourquoi Spirou porte-t-il un costume de groom ?
…et surtout, la plus importante, comment est-il devenu un héros ?

L’objectif était-il donc de faire un album « zéro », se situant entre Rob-Vel et Franquin et plus précisément juste avant l’album « Quatre Aventures de Spirou et Fantasio » ? L’album contient d’ailleurs certaines allusions au match contre Poildur.
On pourrait, si on le voulait, le situer un peu avant cette histoire. On y retrouve, en effet, le personnage du P’tit Louis ainsi que certaines allusions à la boxe. On peut ainsi comprendre pourquoi Spirou a quelques rudiments de ce sport lorsque débute l’aventure Spirou sur le Ring.
Mais le but de cet album était plutôt global, à savoir d’établir un lien général entre le Spirou de Rob-Vel et celui de Franquin. J’avais, par exemple, envie de décrire la période entre celle où Spirou est seul et celle ou il part à l’aventure avec Fantasio. Jijé a inventé ce personnage secondaire qui arrive dans les aventures de Spirou un peu comme un cheveu dans la soupe. On ne sait pas d’où il vient, on sait juste qu’il a une chronique au Moustique et qu’il est ami avec Spirou, et c’est tout. Jijé n’explique ni les origines de ce personnage, ni celle de son amitié avec Spirou. Franquin reprendra Fantasio sans donner plus d’information.
De même pour le fameux Moustic Hotel, les aventures écrites par Rob-Vel s’y déroulent en grande partie et il disparaît dans les albums de Franquin. Spip et sa capacité à penser et à commenter l’action (ndlr : qui se développe à partir de Franquin) font également partie des éléments que je voulais développer dans mon album.
De plus, entre Rob-Vel et Franquin, on passe également du gag comique sans envergure à l’aventure avec un grand A. L’album porte également sur cette transition.

Reprendre un personnage comme Spirou n’est-il pas trop frustrant ? N’y a-t-il pas trop de règles ou de canevas à respecter ?
J’ai eu la chance de pouvoir écrire une histoire sur Spirou dans laquelle il n’est pas encore le héros que tout le monde connaît et donc à une époque où il n’était rien. En ce sens, j’avais beaucoup plus de libertés pour écrire mon histoire. Je pouvais, par exemple, faire quelque chose de plus intéressant avec le personnage de Spirou. J’ai toujours trouvé le Spirou de Rob-Vel très lisse. Franquin, par la suite, l’a étoffé en lui donnant une dimension humaniste mais ça manquait toujours d’une véritable psychologie.
Faire une aventure de Spirou pour le simple fait de faire une aventure, ça ne m’intéressait pas. Je souhaitais faire autre chose avec ce personnage.

Une des originalités du récit est de placer Spirou et Fantasio dans un environnement très grave, à savoir le début de la seconde guerre mondiale. En ce sens, on peut faire un parallèle avec la démarche de Tome et Janry dans Machine qui rêve, qui proposait une intrigue « plus sérieuse ». Cet album avait essuyé de nombreuses critiques du lectorat de Spirou. Avez-vous craint des réactions similaires ?
Je n’ai pas lu cet album et donc je ne peux pas me prononcer sur le parallèle. Mais concernant la réaction de public, je ne me suis pas posé ce genre de questions.
De plus, le but n’était pas de faire une histoire de Spirou et Fantasio « plus sérieuse » que les autres. J’ai essayé de créer une histoire assez facétieuse, en fait. Par l’humour qui se dégage de l’innocence de Spirou, j’avais plutôt envie de décrire une histoire comique et de montrer, via le décalage entre les facéties des personnages et les enjeux en cours, le regard de l’enfant sur le monde des adultes et son fonctionnement.

La proposition de Spirou pour résoudre le problème du couloir de Dantzig est un bon exemple de ce regard innocent de l’enfant sur les problèmes des adultes...
Tout à fait. Avec cette scène, je désirais montrer que le regard simple d’un enfant peut parfois apporter des solutions à des problèmes apparemment compliqués. C’est la résistance des soi-disant adultes qui empêchent l’idée de l’enfant de se concrétiser. Pour illustrer ce propos, je prends toujours l’exemple d’Alfred Wegener, l’inventeur de la théorie de la tectonique des plaques. Il est parti d’une constatation simple, une idée d’enfant, à savoir que les continents s’emboîtaient entre eux comme un puzzle. Il suffit de regarder l’Afrique de l’Ouest et l’Amérique du Sud pour s’en convaincre. De là, son hypothèse que les continents avaient du dériver. Eh bien, à l’époque (ndlr : 1912), Alfred Wegener a subi de nombreuses critiques de la part de géologues apparemment reconnus. Il a fallu attendre longtemps pour voir son intuition confirmée par la communauté scientifique.
C’est ce qui arrive à Spirou lorsqu’il propose sa solution aux négociateurs allemands et polonais.

Autre originalité du récit : l’épilogue où vous montrez montrez une facette cachée de Spip. Comment doit-on interpréter cet épisode ?
Ce qu’on apprend dans l’épilogue peut s’expliquer par le traumatisme que Spip subit en recevant une « conscience » et donc la capacité à comprendre le monde des hommes. Ce choc est d’autant plus grand qu’il se retrouve seul : il ne peut pas parler avec les hommes et les autres écureuils ne le comprennent plus.
Un autre niveau de lecture est que les moments où Spip se met à parler et à penser se déroulent juste après que Spirou ait bu de l’alcool. De là, à penser que ce qui arrive à Spip se déroule dans l’imaginaire « embrumé » de Spirou…

Si on garde le premier niveau de lecture, on peut faire un parallèle avec la situation de Spirou à la fin de l’album ?
Exact. Durant l’album, Spirou va passer de l’enfance/adolescence à l’âge adulte. Il va, à la fin du récit, comprendre ce qui s’est réellement passé et donc comprendre la réalité du monde des adultes. Ce traumatisme va créer le héros que l’on connaît et va expliquer pourquoi il va se « perdre » dans l’aventure sans plus toucher au « politique » et sans plus jamais entamer une nouvelle liaison amoureuse. C’était intéressant de monter que personne ne naît réellement héros mais que ce sont plutôt les circonstances qui font les héros.

Spirou fait quand même un choix à la fin…
Oui et le bon. Car ce qu’il apprend aurait pu le détruire, le faire sombrer dans la dépression ou l’alcool, mais il choisit l’aventure.
Un bon choix, en définitive.

Dernière question. Ne serait-il pas opportun maintenant que vous avez expliqué les raisons qui ont poussé Spirou à devenir un aventurier, d’écrire un second album sur la prochaine étape de son cheminement, à savoir sa première réelle aventure ?
C’est la conséquence logique de la fin du Journal d’un Ingénu. Les éditions Dupuis m’ont déjà approché à ce sujet. C’est une bonne idée qui prendra un certain temps à se concrétiser. Il faut toujours laisser du temps aux bonnes idées pour mûrir...


Propos recueillis en avril 2008, par Amaury Legrain

dimanche 27 septembre 2009

Article de JC Loiseau pour télérama du 26 Avril 2008 - Spirou, le journal d'un ingénu

Spirou fête ses 70 ans.

Après le retrait de l'irremplaçable Franquin à la fin des années 1960, nombre de dessinateurs se sont relayés pour faire (sur)vivre le petit groom, avec plus ou moins de bonheur. Émile Bravo, lui, ne se contente pas de broder de nouvelles aventures : il réinvente le juvénile héros en apportant de subtiles réponses à de fondamentales questions qui le taraudaient quand il était enfant. Pourquoi Spirou est-il affublé de ce costume de groom ? D'où vient l'indéfectible amitié qui le lie à Fantasio ?

Dans un flash-back formidablement inventif, Bravo imagine, le temps d'une histoire à la fois limpide et astucieuse, le Spirou d'avant Spirou. C'est un orphelin bruxellois qui travaille comme groom au Moustic Hôtel, pendant l'été 1939. Là, d'étranges complots se trament, où il est question de la guerre qui s'annonce. Il s'y trouve mêlé malgré lui, et un reporter très pot-de-colle nommé Fantasio n'arrangera rien à l'affaire... En dire plus serait éventer la magie de cette relecture très fine et très personnelle qui, pourtant, respecte, avec bonheur, et l'esprit et la lettre de la mythique série.

Maître conteur, véritable sismographe de l'esprit d'enfance, mais d'une enfance qu'il ne prend jamais à la légère, Émile Bravo jongle entre comédie et gravité, avec la même aisance funambule qui lui permet de distiller graphiquement une atmosphère d'époque sur un tempo très moderne. Cet album fera date : il marque la splendide renaissance (sans lendemain ?) d'un personnage qui s'impose, ici mieux que jamais, comme le seul rival sérieux de Tintin à ce jour.

Source : Télérama n° 3041 - 26 avril 2008

Article de Jean-Claude Loiseau

samedi 26 septembre 2009

Article de Pierre Dharréville dans l'humanité du 14 Aout 2008

Spirou, le journal d’un ingénu, d’Émile Bravo. Éditions Dupuis.
Il a l’air un peu nigaud, Spirou, dans son costume de groom désuet. Fantasio, lui, n’a pas besoin de costume pour paraître ridicule.
Il faut remonter un peu dans le temps pour comprendre le destin de ce jeune Belge moyen.
C’est ce que nous propose Émile Bravo, à qui il a été donné d’écrire une aventure du héros phare de la maison Dupuis.

Nous sommes à Bruxelles, en octobre 1939, la guerre menace. Spirou travaille dans un hôtel, et s’occupe d’une bande de gamins dont le passe-temps favori est de jouer au foot sur un terrain vague en se tapant dessus.
Ça chauffe entre le « fils de fasciste rexiste pourri » et le « gros fils de sale communiste »… La politique en culottes courtes. Spirou, complètement à côté de la plaque, a le chic pour les réconcilier : « Et n’oubliez pas : nous sommes tous belges avant tout… » Sauf le fils d’immigré espagnol… Fantasio, piètre reporter people dans un quotidien bruxellois, rôde autour de l’hôtel où nichent une modiste reconnue et son célèbre boxeur d’amant. Y nichent aussi Glaubitz, secrétaire de Ribbentrop, et trois émissaires polonais qui cherchent à éviter la guerre et à sauver leur pays. Voici notre ingénu plongé au cœur de son époque. Sur sa route, une jeune femme de chambre, bien plus dégourdie, pour qui il a le béguin : « Je ne crois pas à l’identité nationale… L’identité nationale, c’est toujours celle du pouvoir en place, et c’est tout ! » 1939 ?

Source :
L'Humanité
Article de Pierre Dharréville

vendredi 25 septembre 2009

Article de Frédéric Potet dans Le Monde du 02 Avril 2009

Ne dites pas à Émile Bravo qu'il est dessinateur de bande dessinée. Parlez de lui comme d'un auteur, d'un écrivain graphique, voire d'un romancier dessinant, mais d'un simple dessinateur, niet ! Le terme est à la fois trop réducteur et trop référencé à ses oreilles. "Désolé, mais la BD ce n'est pas du dessin, explique-t-il. Le dessin n'est que la partie artisanale de ce métier. Savoir dessiner ne suffit pas pour être auteur de BD. Il en est de même en littérature : savoir écrire fait-il de vous un écrivain ?" Peu importe si le propos a un air de déjà-vu.  
Emile Bravo est intarissable sur le sujet, et n'a pas son pareil pour fustiger l'engeance des purs dessinateurs, ceux dont la virtuosité fait s'ébaubir les fans sur les salons. "Ils font tout pour ne pas perdre le pouvoir de fascination qu'ils exercent sur les gens. On se croirait au Moyen Age, quand ceux qui savaient lire et écrire avaient le pouvoir sur les autres."
Ceci posé, Emile Bravo aime dessiner. Il aime autant, si ce n'est plus, écrire. Et pratique tout cela avec un talent que le public et la critique saluent unanimement. Sorti en avril 2008, son Spirou, le journal d'un ingénu (éd. Dupuis) n'a pas quitté les gondoles des librairies, et flirte aujourd'hui avec les 80 000 exemplaires vendus. Un succès qui doit bien sûr beaucoup à la notoriété du personnage emprunté (Spirou) et au bouche-à-oreille dont a bénéficié l'album, mais aussi à la réputation de... dessinateur qui escorte Bravo depuis un certain temps.
L'invité d'honneur du festival BD à Bastia (du 2 au 5 avril) est généralement présenté comme l'un des héritiers les plus doués de la ligne claire franco-belge (trait noir, contours d'épaisseur régulière, couleurs en aplats...). Depuis Yves Chaland, mort dans un accident de voiture en 1990, rarement auteur avait rallié autant de suffrages parmi les inconditionnels de ce langage graphique porté aux nues par Hergé.
Une petite précision, cependant. Plus les années passent, et plus la ligne claire d'Emile Bravo perd de sa clarté. A ses débuts, son pinceau n'avait qu'une idée fixe : réaliser les pleins et déliés les plus parfaits qui soient. L'obsession pouvait le pousser à réaliser l'encrage sur un papier calque posé au-dessus des crayonnés. C'est en côtoyant d'autres auteurs réunis dans un atelier de la place des Vosges au milieu des années 1990 que ce Parisien né en 1964 a commencé à prendre ses distances avec les codes de la ligne claire.
Le contact des Joann Sfar, Emmanuel Guibert et Christophe Blain l'a en quelque sorte affranchi des contraintes existantes : "Quelle liberté ils avaient ! C'est en les voyant faire que j'ai pu me lâcher." La technologie est venue accompagner la mutation. Bravo utilise désormais un feutre pinceau dont il remplit à peine le réservoir, de telle sorte que l'encre crachée par l'ustensile s'étale de manière charbonneuse, faisant ressortir le grain du papier.
Alors, claire ou pas claire, cette damnée ligne ? L'affaire ferait une belle jambe à l'intéressé si celui-ci ne revendiquait pas un certain académisme. "Mon souci est de m'adresser au plus grand nombre de lecteurs. C'est pour cela que j'adopte des codes graphiques connus de tous. Tout le monde a lu au moins un Tintin une fois dans sa vie. Il faut savoir que, pour Hergé, la ligne claire n'a jamais répondu à une définition graphique, mais a toujours été un genre narratif dont la vocation est de mettre le dessin au service de l'histoire." Captiver son lecteur, ne jamais faire baisser son attention : tel serait finalement le seul credo de Bravo. "L'important, chez lui, est vraiment l'efficacité du récit, confirme Benoît Fripiat, son éditeur chez Dupuis. La BD sort actuellement d'une période où les auteurs et les éditeurs se sont beaucoup concentrés sur l'aspect graphique. On avait oublié qu'il fallait aussi raconter des histoires. Le succès d'Emile nous renvoie aujourd'hui à cette évidence."
L'efficacité, donc. Mais le refus de la mièvrerie également. S'il surnage aujourd'hui au milieu de l'abondante production d'albums pour jeunesse, c'est aussi que ce fils de réfugié espagnol (prénommé Emilio) a doté ses personnages d'une épaisseur psychologique peu commune. Grands ou petits, ceux-ci doutent, s'angoissent, tombent amoureux, se posent des questions métaphysiques, développent une conscience politique... Son Spirou est un modèle du genre. L'histoire se déroule en 1939. Encore adolescent, en pleine "révélation de soi", le petit groom est à l'aube d'un traumatisme personnel profond. L'imminence de la guerre s'apprête à le transformer en adulte féru d'humanisme. Présenté ainsi, le scénario peut sembler bien grave pour une BD jeunesse. Tout le contraire, nous démontre sur 63 planches Emile Bravo, dont la référence absolue en la matière est Maus, d'Art Spiegelman. "Un livre qui, tout en nous parlant de l'horreur (la Shoah), est aussi bien lisible par les adultes et les enfants."
Afin de se mettre à hauteur de ses lecteurs les plus jeunes, Spiegelman avait utilisé la technique de l'anthropomorphisation en remplaçant les êtres humains par des souris. Bravo, lui, truffe ses récits de rebondissements et de gags, dans la pure tradition franco-belge, mais aussi par goût pour le divertissement. On n'est pas pour rien fan de Lubitsch et de Monicelli. "Émile passait beaucoup de temps à détendre l'atmosphère à l'atelier des Vosges, se souvient Emmanuel Guibert. Cet humour naturel est aujourd'hui tangible dans son œuvre, tout comme l'ensemble des questions graves qui y apparaissent."
Un grand raconteur, en somme, qui faillit bien ne jamais le devenir. La BD n'a jamais été une vocation chez ce titulaire d'un bac E qui se destinait à embrasser mollement la carrière d'ingénieur. Voyant les dessins qui noircissaient les marges de ses cahiers, un copain lui dit un jour : "Tu devrais faire de la BD." "Je n'y avais jamais pensé", se souvient l'autodidacte. Ses parents ne s'opposeront pas au projet. Surtout pas son père - dessinateur à ses heures - qui lui lisait des albums quand il était petit et riait des passages que lui ne comprenait pas.
Son ambition n'est pas ailleurs aujourd'hui. "Créer de la complicité intergénérationnelle. La BD est un mode d'écriture fait pour les enfants. Je n'arrive pas à me dissocier de cette idée. Je lui attribue les mêmes vertus qu'au conte : apporter le doute chez l'enfant, le préparer à l'âge adulte", développe ce quadra, dont le paradoxe est de ne pas avoir de descendance et de ne pas en souhaiter. "Pour cause d'immaturité", affecte-t-il d'expliquer.
L'album auquel il travaille actuellement est une histoire de Jules, son héros adolescent abandonné en 2006 sur des questions existentielles autour de Dieu et de la paternité. Le suivant sera un Spirou : "Mais à condition que je trouve une bonne idée de scénario. Si je n'ai rien à dire, je ne vais pas ramener ma fraise, non ?" Comme disent les jeunes : c'est clair.

Source : Le Monde

Article de Frédéric Potet dans Le Monde, du 02.04.2009