Source écrans.fr
Par Astrid Girardeau
A l’occasion du festival d’Angoulême, le duo Ruppert et Mulot invite
une trentaine de dessinateurs de BD à investir le site collaboratif. Un
joyeux bordel.
« Peuplée de ses femmes faciles et de ses clients avec toutes les conséquences logiques ou illogiques que peut entraîner ce
mélange des rôles, des sexes et des genres. » La Maison close a
ouvert ses portes, son salon, sa chambre,
ses toilettes et même son musée érotique. Les dessinateurs Jérôme
Mulot - au vestiaire -, Florent Ruppert - au bar - et Lewis Trondheim -
en vigile - régissent ce joyeux et frais bordel où
se croisent une trentaine d’auteurs de bande dessinée. Les unes
jouant les prostituées (Catherine Meurisse, Lisa Mandel, Aude Picault,
Nadja, Lucie Durbiano… et Charles Berberian), les autres les
clients (Killoffer, Boulet, François Ayroles, Emile Bravo, etc.)
Mais la Maison close, c’est aussi des histoires de frite, de raquette de
badminton, d’odeur de merde. Des rencontres surprenantes
et des quiproquos sexuels croustillants.
Avec en
poche une carte blanche de Philippe Dupuy et Charles Berberian,
présidents du 36e festival de la bande dessinée d’Angoulême,
qui se clôt ce dimanche, Ruppert et
Mulot, jeune duo déluré et talentueux (Panier de singe, le Tricheur) ont monté ce projet collaboratif « de
bande dessinée Web 2.0 » à plus de 60 mains. Conçu avant tout
par et pour Internet, il est exposé au festival. L’année dernière déjà,
les deux compères organisaient un
Championnat de bras de fer en
ligne entre seize auteurs (Frédéric Poincelet, José Parrondo, Frederik
Peeters, etc.). En sortait un joli bazar, entre joyeuse malhonnêteté et
coups bas. Pour la Maison close, ils ont repris les mêmes
concept et fonctionnement. Ils ont simplement fourni les éléments du
décor, et laissé les dessinateurs faire vivre leur
personnage.
Cette fois, par contre, ils n’ont donné aucun squelette de scénario, simplement un « environnement bancal, une situation de
déséquilibre », explique Ruppert. L’écriture des douze récits
s’est faite façon cadavre exquis, au fur et à mesure entre les auteurs
organisés en duo. Tous avaient accès à un site
internet sue lequel ils pouvaient voir les dessins des autres et
réagir en ping-pong.
« Cela a démarré doucement, se souvient le dessinateur, et au bout d’un moment il y a eu une espèce d’enthousiasme,
un emballement très grisant, les scénarios ont commencé à se croiser. » Avec, comme « ingrédient indispensable », la liberté. Il évoque aussi le retour des auteurs
sur cette expérience « qu’ils ont adorée », une « espèce de délire où ils se sont fait plaisir ». Et ça se sent et se ressent. Dans ce dédale de jeux de
drague, private jokes et scènes tant absurdes que jouissives.
« L’autre point de départ de la Maison close a été un constat de la part d’amies auteurs féminines agacées que leur travail
soit vu comme de la "bande dessinée filles" », poursuit-il. Le choix du thème de la maison close, « super sensible », est revendiqué : « Pour les questions
tabous ou sur lesquelles on ne réfléchit pas tant que ça. » Quelques dessinatrices féministes se sont dites choquées par le projet. Elles ont écrit un pamphlet, « pas très
pertinent » selon Ruppert, qui a surtout eu pour conséquence d’engager une « vraie discussion interne » autour du sujet.
Internet est également l’un des piliers du projet, comme support et « outil incroyable » au service du partage du
savoir, de la démocratie, etc. Chaque auteur a travaillé depuis chez lui, à son propre rythme, avec sa façon de faire. « L’interaction a vraiment pris. Ensemble ils ont tressé une sorte
de conglomérat d’histoires, raconte Ruppert. A un moment,
l’enthousiasme a été tellement fort que les auteurs nous réclamaient
d’autres décors, ils ne s’arrêtaient plus. Ils auraient pu
fabriquer toute une vie en parallèle. »
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