Angoulême le 27 janvier 2012
Article paru sur le site du Festival International de la Bande Dessinée d'Angoulême: ICI
"Le créateur de Jules parle de son métier lors des Rencontres Jeunesse, dans le Quartier du même nom.
Vendredi, il a hypnotisé deux classes de collégiens.
«
Je m’appelle Emile Bravo. C’est vraiment mon nom. Imaginez ce que j’ai
vécu quand j’étais à l’école.
Mon maître me disait tout le temps : « Je ne vous dit pas bravo,
Emile ». Et puis me voilà. Savez-vous quel est mon métier ? ». Voilà le
ton Bravo. Voilà Émile, manches retroussées, pour faire
partager, pendant une heure, son amour immense du dessin.
Les
ados, dans la salle : « Bah, vous êtes dessinateur de bande dessinée,
nan ? » « Je m’attendais à
votre réponse, reprend l’homme de 47 ans, habillé de noir. Moi, je
pense que je suis plutôt un auteur. Car le plus important, dans la bande
dessinée, c’est quoi ? ». Plusieurs doigts se lèvent :
« Ecrire le livre ? Dessiner ? Avoir une histoire ? » . « Voilà,
reprend Émile Bravo, imaginer une histoire et la raconter, en dessin.
S’il n’y a pas d’histoire à raconter, il n’y a pas de bande
dessinée ».
«
J’aime bien cet âge de la vie, confie ensuite Émile Bravo à la fin de
la rencontre. Les ados sont
pleins de questions, pleins de doute, je me reconnais en eux. Et
puis, à l’école, ils leurs font préparer des questions très terre à
terre : combien de temps on met pour écrire l’ouvrage, quels
outils on utilise… Or, ce n’est pas comme ça que je vois mon métier.
J’essaie de nourrir ce doute, de leur faire se poser des questions ».
Une
heure avec Émile Bravo, c’est une heure de one man show sur la bande
dessinée. En passant par une
démonstration sur l’écriture et les codes. Le cours de linguistique
sur le signifiant et le signifié n’est pas loin, mais tout est tellement
plus clair quand c’est un auteur resté enfant qui
l’explique ! « En vrai, tout le monde sait dessiner », apostrophe Émile Bravo. Aux jeunes qui font non de la tête : « T’as jamais dessiné
toi, quand t’étais petit ? Si ! Tu vois, c’est notre
premier moyen d’expression, tout le monde le comprend, avant même de
savoir écrire. Savais-tu que les écritures viennent du dessin ? Vous en
connaissez bien une, non, d’écriture dessin ? ». Une
jeune fille lance timidement : « Les hiéroglyphes ? » Bonne pioche.
De même, les idéogrammes des langues orientales sont des dessins
simplifiés à l’extrême.
«
Bon, eh bien, regardez mon dessin… Prenons Tintin, par exemple (il
dessine au tableau, les jeunes
font un « ouah » d’émerveillement devant le héros d’Hergé qui
apparaît sous son crayon). Mais attendez, vous connaissez quelqu’un qui a
des points à la place des yeux, vous ? Non ! C’est un code,
pour signifier la jeunesse, pour vous permettre de vous identifier,
pour vous faire rentrer dans l’histoire ». Et chaque forme de bande
dessinée a les siens, qu’il s’agisse de comics, de mangas
ou de création européenne. Émile Bravo se met à dessiner Jules, son
petit héros. « Vous voyez la ressemblance, maintenant, avec Tintin ? Ce
sont des codes. Je signifie quelque chose, avec mon
dessin, de même que les mots ont un sens ».
En
plus de détricoter le fonctionnement d’une bande dessinée, l’auteur
s’attache à revaloriser la
créativité. « On passe notre vie à apprendre des codes compliqués,
écriture, lecture, etc., alors qu’enfant, naturellement, on sait tous
dessiner. C’est inné. Et raconter une histoire en dessin,
c’est universel ». CQFD."
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