mardi 29 septembre 2009

Spirou, l'âge de déraison... sur Lepoint.fr du 29 Mai 2008

Spirou a 70 ans ! C'est en avril 1938 que Rob-Vel crée à la demande de Jean Dupuis, fondateur des éditions qui portent son nom, ce personnage de groom appelé à devenir l'un des symboles les plus fameux de la bande dessinée franco-belge. Mais c'est surtout André Franquin qui offre à la série ses lettres de noblesse lorsqu'il la reprend, en 1946. Il faut croire que les éditions Dupuis lui ont enfin trouvé un digne successeur en la personne d’Émile Bravo, qui signe avec ce « Journal d'un ingénu » une œuvre à la fois irrévérencieuse et très réussie. L'histoire se déroule à la veille de la Seconde Guerre mondiale à Bruxelles. Des négociations cruciales entre Allemands et Polonais ont lieu dans un hôtel où le jeune Spirou est un groom maladroit, naïf et manquant singulièrement de perspicacité. Sa rencontre avec Fantasio, un jeune paparazzi, et une désillusion amoureuse contribueront à le déniaiser et à lui ouvrir les yeux sur la complexité et la dureté du monde. Cet album est une pure merveille, qui montre que, malgré les assauts répétés du manga ou des comics américains, la BD franco-belge n'a pas encore rendu les armes.
Source : Lepoint.fr
Auteur : Romain Brethes

lundi 28 septembre 2009

Quand Émile Bravo réinvente le petit Spirou... sur BDgest

Source BDgest

Ce mercredi 23 avril, les Éditions Dupuis invitaient les amis de la bande dessinée à fêter les 70 ans de Spirou à l’hôtel Métropole de Bruxelles. A cette occasion, nous avons eu la chance de pouvoir poser quelques questions à Émile Bravo sur son étonnant album : Le Journal d’un Ingénu.


Tout d’abord, comment l’album est-il né ? D’où vous est venue cette idée de décrire les origines de Spirou ? Avez-vous été voir les éditions Dupuis avec un dossier sous le bras ?
Émile Bravo : Non pas du tout, je suis plutôt assez discret et je ne vais pas chercher le travail. En général, je le fuis même (rires).
Plus sérieusement, ils sont venus me chercher parce que Benoit Fripiat (ndlr : directeur éditorial adjoint chez Dupuis) appréciait beaucoup ce que j’avais fait sur la série « Une épatante Aventure de Jules ». Quand le moment est venu, il m’a appelé, on s’est vus et l’idée a germé tout de suite.
L’idée de base de l’album m’est, en fait, apparue très vite car quand j’étais gamin, je me posais beaucoup de questions sur le personnage de Spirou. Moi aussi, j’avais, à l’époque, besoin de plus de précisions sur son origine. Et donc, je me suis dit que ce qui serait intéressant dans l’écriture d’une aventure de Spirou et de Fantasio, c’était justement de répondre au gamin que j’étais et de lui apporter des réponses aux questions qu’il se posait. 


Quelles sont ces questions ?
Ces questions se retrouvent sur le quatrième de couverture de l’album. Ce sont celles qui qui me venaient naturellement lorsque je lisais les albums de Franquin.
Comment Fantasio et Spirou sont-ils devenus amis ? Comme se fait-il que Spip parle et pense comme un être humain ? Pourquoi Spirou porte-t-il un costume de groom ?
…et surtout, la plus importante, comment est-il devenu un héros ?

L’objectif était-il donc de faire un album « zéro », se situant entre Rob-Vel et Franquin et plus précisément juste avant l’album « Quatre Aventures de Spirou et Fantasio » ? L’album contient d’ailleurs certaines allusions au match contre Poildur.
On pourrait, si on le voulait, le situer un peu avant cette histoire. On y retrouve, en effet, le personnage du P’tit Louis ainsi que certaines allusions à la boxe. On peut ainsi comprendre pourquoi Spirou a quelques rudiments de ce sport lorsque débute l’aventure Spirou sur le Ring.
Mais le but de cet album était plutôt global, à savoir d’établir un lien général entre le Spirou de Rob-Vel et celui de Franquin. J’avais, par exemple, envie de décrire la période entre celle où Spirou est seul et celle ou il part à l’aventure avec Fantasio. Jijé a inventé ce personnage secondaire qui arrive dans les aventures de Spirou un peu comme un cheveu dans la soupe. On ne sait pas d’où il vient, on sait juste qu’il a une chronique au Moustique et qu’il est ami avec Spirou, et c’est tout. Jijé n’explique ni les origines de ce personnage, ni celle de son amitié avec Spirou. Franquin reprendra Fantasio sans donner plus d’information.
De même pour le fameux Moustic Hotel, les aventures écrites par Rob-Vel s’y déroulent en grande partie et il disparaît dans les albums de Franquin. Spip et sa capacité à penser et à commenter l’action (ndlr : qui se développe à partir de Franquin) font également partie des éléments que je voulais développer dans mon album.
De plus, entre Rob-Vel et Franquin, on passe également du gag comique sans envergure à l’aventure avec un grand A. L’album porte également sur cette transition.

Reprendre un personnage comme Spirou n’est-il pas trop frustrant ? N’y a-t-il pas trop de règles ou de canevas à respecter ?
J’ai eu la chance de pouvoir écrire une histoire sur Spirou dans laquelle il n’est pas encore le héros que tout le monde connaît et donc à une époque où il n’était rien. En ce sens, j’avais beaucoup plus de libertés pour écrire mon histoire. Je pouvais, par exemple, faire quelque chose de plus intéressant avec le personnage de Spirou. J’ai toujours trouvé le Spirou de Rob-Vel très lisse. Franquin, par la suite, l’a étoffé en lui donnant une dimension humaniste mais ça manquait toujours d’une véritable psychologie.
Faire une aventure de Spirou pour le simple fait de faire une aventure, ça ne m’intéressait pas. Je souhaitais faire autre chose avec ce personnage.

Une des originalités du récit est de placer Spirou et Fantasio dans un environnement très grave, à savoir le début de la seconde guerre mondiale. En ce sens, on peut faire un parallèle avec la démarche de Tome et Janry dans Machine qui rêve, qui proposait une intrigue « plus sérieuse ». Cet album avait essuyé de nombreuses critiques du lectorat de Spirou. Avez-vous craint des réactions similaires ?
Je n’ai pas lu cet album et donc je ne peux pas me prononcer sur le parallèle. Mais concernant la réaction de public, je ne me suis pas posé ce genre de questions.
De plus, le but n’était pas de faire une histoire de Spirou et Fantasio « plus sérieuse » que les autres. J’ai essayé de créer une histoire assez facétieuse, en fait. Par l’humour qui se dégage de l’innocence de Spirou, j’avais plutôt envie de décrire une histoire comique et de montrer, via le décalage entre les facéties des personnages et les enjeux en cours, le regard de l’enfant sur le monde des adultes et son fonctionnement.

La proposition de Spirou pour résoudre le problème du couloir de Dantzig est un bon exemple de ce regard innocent de l’enfant sur les problèmes des adultes...
Tout à fait. Avec cette scène, je désirais montrer que le regard simple d’un enfant peut parfois apporter des solutions à des problèmes apparemment compliqués. C’est la résistance des soi-disant adultes qui empêchent l’idée de l’enfant de se concrétiser. Pour illustrer ce propos, je prends toujours l’exemple d’Alfred Wegener, l’inventeur de la théorie de la tectonique des plaques. Il est parti d’une constatation simple, une idée d’enfant, à savoir que les continents s’emboîtaient entre eux comme un puzzle. Il suffit de regarder l’Afrique de l’Ouest et l’Amérique du Sud pour s’en convaincre. De là, son hypothèse que les continents avaient du dériver. Eh bien, à l’époque (ndlr : 1912), Alfred Wegener a subi de nombreuses critiques de la part de géologues apparemment reconnus. Il a fallu attendre longtemps pour voir son intuition confirmée par la communauté scientifique.
C’est ce qui arrive à Spirou lorsqu’il propose sa solution aux négociateurs allemands et polonais.

Autre originalité du récit : l’épilogue où vous montrez montrez une facette cachée de Spip. Comment doit-on interpréter cet épisode ?
Ce qu’on apprend dans l’épilogue peut s’expliquer par le traumatisme que Spip subit en recevant une « conscience » et donc la capacité à comprendre le monde des hommes. Ce choc est d’autant plus grand qu’il se retrouve seul : il ne peut pas parler avec les hommes et les autres écureuils ne le comprennent plus.
Un autre niveau de lecture est que les moments où Spip se met à parler et à penser se déroulent juste après que Spirou ait bu de l’alcool. De là, à penser que ce qui arrive à Spip se déroule dans l’imaginaire « embrumé » de Spirou…

Si on garde le premier niveau de lecture, on peut faire un parallèle avec la situation de Spirou à la fin de l’album ?
Exact. Durant l’album, Spirou va passer de l’enfance/adolescence à l’âge adulte. Il va, à la fin du récit, comprendre ce qui s’est réellement passé et donc comprendre la réalité du monde des adultes. Ce traumatisme va créer le héros que l’on connaît et va expliquer pourquoi il va se « perdre » dans l’aventure sans plus toucher au « politique » et sans plus jamais entamer une nouvelle liaison amoureuse. C’était intéressant de monter que personne ne naît réellement héros mais que ce sont plutôt les circonstances qui font les héros.

Spirou fait quand même un choix à la fin…
Oui et le bon. Car ce qu’il apprend aurait pu le détruire, le faire sombrer dans la dépression ou l’alcool, mais il choisit l’aventure.
Un bon choix, en définitive.

Dernière question. Ne serait-il pas opportun maintenant que vous avez expliqué les raisons qui ont poussé Spirou à devenir un aventurier, d’écrire un second album sur la prochaine étape de son cheminement, à savoir sa première réelle aventure ?
C’est la conséquence logique de la fin du Journal d’un Ingénu. Les éditions Dupuis m’ont déjà approché à ce sujet. C’est une bonne idée qui prendra un certain temps à se concrétiser. Il faut toujours laisser du temps aux bonnes idées pour mûrir...


Propos recueillis en avril 2008, par Amaury Legrain

dimanche 27 septembre 2009

Article de JC Loiseau pour télérama du 26 Avril 2008 - Spirou, le journal d'un ingénu

Spirou fête ses 70 ans.

Après le retrait de l'irremplaçable Franquin à la fin des années 1960, nombre de dessinateurs se sont relayés pour faire (sur)vivre le petit groom, avec plus ou moins de bonheur. Émile Bravo, lui, ne se contente pas de broder de nouvelles aventures : il réinvente le juvénile héros en apportant de subtiles réponses à de fondamentales questions qui le taraudaient quand il était enfant. Pourquoi Spirou est-il affublé de ce costume de groom ? D'où vient l'indéfectible amitié qui le lie à Fantasio ?

Dans un flash-back formidablement inventif, Bravo imagine, le temps d'une histoire à la fois limpide et astucieuse, le Spirou d'avant Spirou. C'est un orphelin bruxellois qui travaille comme groom au Moustic Hôtel, pendant l'été 1939. Là, d'étranges complots se trament, où il est question de la guerre qui s'annonce. Il s'y trouve mêlé malgré lui, et un reporter très pot-de-colle nommé Fantasio n'arrangera rien à l'affaire... En dire plus serait éventer la magie de cette relecture très fine et très personnelle qui, pourtant, respecte, avec bonheur, et l'esprit et la lettre de la mythique série.

Maître conteur, véritable sismographe de l'esprit d'enfance, mais d'une enfance qu'il ne prend jamais à la légère, Émile Bravo jongle entre comédie et gravité, avec la même aisance funambule qui lui permet de distiller graphiquement une atmosphère d'époque sur un tempo très moderne. Cet album fera date : il marque la splendide renaissance (sans lendemain ?) d'un personnage qui s'impose, ici mieux que jamais, comme le seul rival sérieux de Tintin à ce jour.

Source : Télérama n° 3041 - 26 avril 2008

Article de Jean-Claude Loiseau

samedi 26 septembre 2009

Article de Pierre Dharréville dans l'humanité du 14 Aout 2008

Spirou, le journal d’un ingénu, d’Émile Bravo. Éditions Dupuis.
Il a l’air un peu nigaud, Spirou, dans son costume de groom désuet. Fantasio, lui, n’a pas besoin de costume pour paraître ridicule.
Il faut remonter un peu dans le temps pour comprendre le destin de ce jeune Belge moyen.
C’est ce que nous propose Émile Bravo, à qui il a été donné d’écrire une aventure du héros phare de la maison Dupuis.

Nous sommes à Bruxelles, en octobre 1939, la guerre menace. Spirou travaille dans un hôtel, et s’occupe d’une bande de gamins dont le passe-temps favori est de jouer au foot sur un terrain vague en se tapant dessus.
Ça chauffe entre le « fils de fasciste rexiste pourri » et le « gros fils de sale communiste »… La politique en culottes courtes. Spirou, complètement à côté de la plaque, a le chic pour les réconcilier : « Et n’oubliez pas : nous sommes tous belges avant tout… » Sauf le fils d’immigré espagnol… Fantasio, piètre reporter people dans un quotidien bruxellois, rôde autour de l’hôtel où nichent une modiste reconnue et son célèbre boxeur d’amant. Y nichent aussi Glaubitz, secrétaire de Ribbentrop, et trois émissaires polonais qui cherchent à éviter la guerre et à sauver leur pays. Voici notre ingénu plongé au cœur de son époque. Sur sa route, une jeune femme de chambre, bien plus dégourdie, pour qui il a le béguin : « Je ne crois pas à l’identité nationale… L’identité nationale, c’est toujours celle du pouvoir en place, et c’est tout ! » 1939 ?

Source :
L'Humanité
Article de Pierre Dharréville

vendredi 25 septembre 2009

Article de Frédéric Potet dans Le Monde du 02 Avril 2009

Ne dites pas à Émile Bravo qu'il est dessinateur de bande dessinée. Parlez de lui comme d'un auteur, d'un écrivain graphique, voire d'un romancier dessinant, mais d'un simple dessinateur, niet ! Le terme est à la fois trop réducteur et trop référencé à ses oreilles. "Désolé, mais la BD ce n'est pas du dessin, explique-t-il. Le dessin n'est que la partie artisanale de ce métier. Savoir dessiner ne suffit pas pour être auteur de BD. Il en est de même en littérature : savoir écrire fait-il de vous un écrivain ?" Peu importe si le propos a un air de déjà-vu.  
Emile Bravo est intarissable sur le sujet, et n'a pas son pareil pour fustiger l'engeance des purs dessinateurs, ceux dont la virtuosité fait s'ébaubir les fans sur les salons. "Ils font tout pour ne pas perdre le pouvoir de fascination qu'ils exercent sur les gens. On se croirait au Moyen Age, quand ceux qui savaient lire et écrire avaient le pouvoir sur les autres."
Ceci posé, Emile Bravo aime dessiner. Il aime autant, si ce n'est plus, écrire. Et pratique tout cela avec un talent que le public et la critique saluent unanimement. Sorti en avril 2008, son Spirou, le journal d'un ingénu (éd. Dupuis) n'a pas quitté les gondoles des librairies, et flirte aujourd'hui avec les 80 000 exemplaires vendus. Un succès qui doit bien sûr beaucoup à la notoriété du personnage emprunté (Spirou) et au bouche-à-oreille dont a bénéficié l'album, mais aussi à la réputation de... dessinateur qui escorte Bravo depuis un certain temps.
L'invité d'honneur du festival BD à Bastia (du 2 au 5 avril) est généralement présenté comme l'un des héritiers les plus doués de la ligne claire franco-belge (trait noir, contours d'épaisseur régulière, couleurs en aplats...). Depuis Yves Chaland, mort dans un accident de voiture en 1990, rarement auteur avait rallié autant de suffrages parmi les inconditionnels de ce langage graphique porté aux nues par Hergé.
Une petite précision, cependant. Plus les années passent, et plus la ligne claire d'Emile Bravo perd de sa clarté. A ses débuts, son pinceau n'avait qu'une idée fixe : réaliser les pleins et déliés les plus parfaits qui soient. L'obsession pouvait le pousser à réaliser l'encrage sur un papier calque posé au-dessus des crayonnés. C'est en côtoyant d'autres auteurs réunis dans un atelier de la place des Vosges au milieu des années 1990 que ce Parisien né en 1964 a commencé à prendre ses distances avec les codes de la ligne claire.
Le contact des Joann Sfar, Emmanuel Guibert et Christophe Blain l'a en quelque sorte affranchi des contraintes existantes : "Quelle liberté ils avaient ! C'est en les voyant faire que j'ai pu me lâcher." La technologie est venue accompagner la mutation. Bravo utilise désormais un feutre pinceau dont il remplit à peine le réservoir, de telle sorte que l'encre crachée par l'ustensile s'étale de manière charbonneuse, faisant ressortir le grain du papier.
Alors, claire ou pas claire, cette damnée ligne ? L'affaire ferait une belle jambe à l'intéressé si celui-ci ne revendiquait pas un certain académisme. "Mon souci est de m'adresser au plus grand nombre de lecteurs. C'est pour cela que j'adopte des codes graphiques connus de tous. Tout le monde a lu au moins un Tintin une fois dans sa vie. Il faut savoir que, pour Hergé, la ligne claire n'a jamais répondu à une définition graphique, mais a toujours été un genre narratif dont la vocation est de mettre le dessin au service de l'histoire." Captiver son lecteur, ne jamais faire baisser son attention : tel serait finalement le seul credo de Bravo. "L'important, chez lui, est vraiment l'efficacité du récit, confirme Benoît Fripiat, son éditeur chez Dupuis. La BD sort actuellement d'une période où les auteurs et les éditeurs se sont beaucoup concentrés sur l'aspect graphique. On avait oublié qu'il fallait aussi raconter des histoires. Le succès d'Emile nous renvoie aujourd'hui à cette évidence."
L'efficacité, donc. Mais le refus de la mièvrerie également. S'il surnage aujourd'hui au milieu de l'abondante production d'albums pour jeunesse, c'est aussi que ce fils de réfugié espagnol (prénommé Emilio) a doté ses personnages d'une épaisseur psychologique peu commune. Grands ou petits, ceux-ci doutent, s'angoissent, tombent amoureux, se posent des questions métaphysiques, développent une conscience politique... Son Spirou est un modèle du genre. L'histoire se déroule en 1939. Encore adolescent, en pleine "révélation de soi", le petit groom est à l'aube d'un traumatisme personnel profond. L'imminence de la guerre s'apprête à le transformer en adulte féru d'humanisme. Présenté ainsi, le scénario peut sembler bien grave pour une BD jeunesse. Tout le contraire, nous démontre sur 63 planches Emile Bravo, dont la référence absolue en la matière est Maus, d'Art Spiegelman. "Un livre qui, tout en nous parlant de l'horreur (la Shoah), est aussi bien lisible par les adultes et les enfants."
Afin de se mettre à hauteur de ses lecteurs les plus jeunes, Spiegelman avait utilisé la technique de l'anthropomorphisation en remplaçant les êtres humains par des souris. Bravo, lui, truffe ses récits de rebondissements et de gags, dans la pure tradition franco-belge, mais aussi par goût pour le divertissement. On n'est pas pour rien fan de Lubitsch et de Monicelli. "Émile passait beaucoup de temps à détendre l'atmosphère à l'atelier des Vosges, se souvient Emmanuel Guibert. Cet humour naturel est aujourd'hui tangible dans son œuvre, tout comme l'ensemble des questions graves qui y apparaissent."
Un grand raconteur, en somme, qui faillit bien ne jamais le devenir. La BD n'a jamais été une vocation chez ce titulaire d'un bac E qui se destinait à embrasser mollement la carrière d'ingénieur. Voyant les dessins qui noircissaient les marges de ses cahiers, un copain lui dit un jour : "Tu devrais faire de la BD." "Je n'y avais jamais pensé", se souvient l'autodidacte. Ses parents ne s'opposeront pas au projet. Surtout pas son père - dessinateur à ses heures - qui lui lisait des albums quand il était petit et riait des passages que lui ne comprenait pas.
Son ambition n'est pas ailleurs aujourd'hui. "Créer de la complicité intergénérationnelle. La BD est un mode d'écriture fait pour les enfants. Je n'arrive pas à me dissocier de cette idée. Je lui attribue les mêmes vertus qu'au conte : apporter le doute chez l'enfant, le préparer à l'âge adulte", développe ce quadra, dont le paradoxe est de ne pas avoir de descendance et de ne pas en souhaiter. "Pour cause d'immaturité", affecte-t-il d'expliquer.
L'album auquel il travaille actuellement est une histoire de Jules, son héros adolescent abandonné en 2006 sur des questions existentielles autour de Dieu et de la paternité. Le suivant sera un Spirou : "Mais à condition que je trouve une bonne idée de scénario. Si je n'ai rien à dire, je ne vais pas ramener ma fraise, non ?" Comme disent les jeunes : c'est clair.

Source : Le Monde

Article de Frédéric Potet dans Le Monde, du 02.04.2009

Article de JC Loiseau pour télérama du 30 Juin 2007 - Ma maman est en Amérique...

Elle est partie depuis pas mal de temps en Amérique, la maman de Jean, et elle a même a ren­contré Buffalo Bill... Cette mère absente est au cœur d'un complot familial et amical destiné à cacher à ce gamin de 6 ans une vérité autrement douloureuse. Jean Regnaud a été ce petit garçon. Il se souvient. Émile Bravo, son ami et son complice (ils ont déjà signé ensemble une remarquable série, Aleksis Strogonov), illustre ces souvenirs. Autour de la jolie supercherie qui explique le titre, ils déroulent un récit bourré d'anecdotes, tissant le quotidien de Jean et de son petit frère. C'est pétillant, touchant, drolatique.
Rien ne pèse mais tout est dit des émotions abruptes et des interrogations confuses de cet âge-là, au fil de courts chapitres évocateurs, mis en scène avec une limpidité inventive par Bravo, un dessinateur qui a toujours eu (voir sa fameuse série Jules) une magnifique connivence avec le monde de l'enfance.

Source : Télérama n°2998 du 30/06/2007
Article de Jean Claude Loiseau

jeudi 24 septembre 2009

Les aventures de Swartz et Totenheimer.... dans Ferraille illustré n°23

Récit complet, sur 2 pages, paru dans le magasine Ferraille illustré n° 23 de Juillet 2003.
Les aventures de deux nazis, Philémon et Franziskus… une parodie de la célèbre bande dessinée Blake et Mortimer.
Pour vous procurer ce magasine...
Super marché Ferraille

Extrait de l’entretien du 28-05-2008 par Klare lijn où Emile Bravo aborde la création de ce mini récit.

Klare Lijn International : Il était bien pourtant question que vous repreniez Blake et Mortimer à un moment avec Joan SFAR ?
Emile Bravo : Oui mais je vais vous expliquer la chose. En fait, Joan et moi, on voyait ce qui était fait et on souhaitait montrer que c’était vain de reprendre ces personnages, que c’était une parodie de l’œuvre de JACOBS. Surtout moi parce que Joan a moins lu Blake et Mortimer quand il était petit. Du coup, on aurait fait un Blake et Mortimer pour montrer en fait qu’il était vain de faire cela. Une sorte de sabordage.

KLI : De sabotage ?

EB
: Oui mais pas vraiment non plus. C’était une histoire superbe. C’était vraiment une façon de dire : « ce sont des personnages qui appartiennent à une époque, qui appartiennent à leur auteur, fichez leur la paix ! ». Aujourd’hui, ils sont trop en décalage par rapport à notre siècle. Encore une fois, c’est l’opéra de papier de JACOBS et c’est tout.

KLI : Et des bandes dessinées parodiques et satiriques dans le ton de
Swartz et Totenheimer, « d’après les personnages d’Adolph HITLER », vous allez en refaire ?

EB : C’était justement pour aller le plus loin possible dans la parodie que je me suis permis de dessiner cette histoire pour le magazine Ferraille.

KLI : Vous aimez ce type de création un peu plus violent que ce que vous faites habituellement ?

EB : Oui, j’aime bien. Pour moi, Swartz et Totenheimer, ce n’est pas gratuit. Je me disais que ce serait drôle si au lieu d’avoir été créés par un belge, Blake et Mortimer l’avaient été par un vrai nazi. Avec Joan, on voulait mettre Blake et Mortimer en conflit parce qu’on sent bien parfois qu’ils n’ont pas vraiment le même point de vue. Dans notre récit, Blake collaborait avec un scientifique nazi juste après la guerre et Mortimer, avec son éthique, n’était pas d’accord. Quand Ferraille m’a sollicité, j’ai pensé à cela en me disant qu’on pouvait aller effectivement beaucoup plus loin en prenant pour postulat que, pour s’entendre entre eux, le scientifique et le militaire devaient être nazis tous les deux. Ensuite l’idée de les faire évoluer dans un camp d’extermination m’est venue tout logiquement.

….
KLI : On ne peut donc pas comparer votre reprise à celles de Blake et Mortimer par exemple.

EB : Cela n’a rien à voir. Pour moi Blake et Mortimer, c’est JACOBS. C’est vraiment une œuvre, des personnages de JACOBS alors que Spirou par FRANQUIN était déjà une reprise. C’est finalement ça la grosse différence. Pour moi reprendre JACOBS, c’est comme reprendre HERGE, cela n’a pas de sens. Je trouve vain de raconter l’avant Blake et Mortimer parce que la seule personne qui aurait pu raconter cela, c’était JACOBS. Ce qui n’est pas le cas pour le personnage de Spirou.


Si vous voulez continuer de lire cette longue interview, allez visiter le site :
Klare lijn international