Suite à l''interview donnée au journal Spirou n° 4321
Extrait du site du Journal de Spirou
Après nous avoir livré, dans le journal Spirou, 5 mots comme autant de portes d'entrée vers "Un départ vers la fin", troisième volet de L'espoir malgré tout, Émile Bravo vous révèle en exclusivité pour Spirou.com 3 mots supplémentaires !
INGÉNU : Malgré toutes les horreurs autour de
lui, Spirou va encore rester ingénu un certain temps... Il faut se
replacer dans le contexte : certes, la Belgique est occupée, il ne mange
pas à sa faim et voit bien que ses libertés sont restreintes. Mais
Spirou se comporte comme la plupart des gens l'ont fait à cette époque :
il cherche avant tout à survivre. Ce qui fait qu'il ne voit par exemple
pas que la résistance s'organise autour de lui. Il faut dire qu'en
1942-1943, la résistance était encore perçue par la population comme une
réalité abstraite. De plus Spirou est trop jeune pour être concerné par
le STO – le Service du travail obligatoire, qui obligeait les hommes à
partir travailler en Allemagne, ce qui les poussait à se rebeller et
prendre le maquis. La réalité de l'oppression nazie, Spirou la vit avant
tout à travers Félix et Felka, ses deux amis juifs à qui il porte
secours. C'est toutefois dans Un départ vers la fin que notre ingénu va
comprendre que l'innocent spectacle de marionnettes qu'il anime avec
Fantasio sert à d'autres fins...
NAZIS : J'ai parfois l'impression que certains
auteurs de bande dessinée, même en voulant dénoncer le nazisme, restent
graphiquement fascinés par son imagerie, avec tous ces emblèmes, ces
insignes et ces uniformes. C'est un piège que nous a légué le nazisme...
C'est pour cette raison que je préfère représenter la soldatesque nazie
par un trait charbonneux et ombré, qui apporte une pesanteur froide,
inquiétante, et me permet d'évoquer la perception qu'en avaient les
populations qui subissaient leur joug. Graphiquement, je traite les
soldats comme du matériel de guerre... Ils sont du matériel de
destruction, où l'humanité disparaît derrière l'uniforme.
IGNORANCE : Je suis persuadé que le
totalitarisme est engendré par l'ignorance qui génère le repli sur soi
et la peur de l'autre. La culture permet de se connaître soi-même, de
s'émanciper pour ne pas se laisser désigner de bouc émissaire, comme le
furent les Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale, les migrants
aujourd'hui ou qui sais-je demain. En résumé, l'Histoire, c'est nous...
Il faut donc se confronter à notre passé pour se comprendre et éviter de
reproduire ce qu'il y a de pire en nous. C'est bien beau d'être
humaniste, mais encore faut-il savoir pourquoi on l'est. C'est au fond
ce que raconte mon Spirou.