Petites chroniques de Numa Sadoul, sur le Spirou d’Émile Bravo.
Extraites de sa page Facebook : ICI
Tome 1 (19 février 2019)
"Hiver 1940. Le jeune groom du
Moustic Hôtel découvre la guerre, les magouilles des uns, la lâcheté des
autres, les Juifs, les nazis, les collabos, les résistants, un apprenti flic
qui ressemble à Hergé jeune, des héroïques, des généreux, des salopards,
l'amour immodéré qu'une jeune fille lui porte, les rivalités militaires
franco-britanniques, les ridicules de l'uniforme, l'hypocrisie et la morale,
l'insupportable inadaptation de Fantasio, que lui seul supporte, l'art d'un
peintre ignoré... le tout, avec sa candeur, son altruisme, sa finesse déjà bien
visibles.
Après le révélatif "Journal
d'un ingénu", Émile Bravo entame carrément une tétralogie qui va
développer l'immersion de son héros dans la guerre de 39/45, et dont
"L'Espoir malgré tout" constitue le premier volet. Une fois de plus,
il fait fort - et c'est d'ailleurs assez drôle de voir le graphisme "ligne
claire" à la Tintin se magnifier aux Éditions Dupuis... On a sans doute mille fois dit
"bravo" à Émile, mais je ne me gênerai pas pour le redire à mon tour,
ajoutant qu'on est parti pour quatre albums de grande classe !"
Tome 2 (1er février 2020)
"Un deuxième chapitre qui fait quand
même 90 pages, et qui sera en principe suivi de deux autres chapitres,
probablement aussi épais : Émile Bravo prend son temps et son espace pour
développer et approfondir sa saga de la guerre 39/45 vue par les yeux "ingénus"
de Spirou - et ceux, assez idiots, de Fantasio (à vrai dire, il est un peu
chargé, l'ex-gaffeur devenu ici limite crétin, mais on sent qu'il se fabrique
une conscience politique...).
J'ai lu ici ou là des réserves
émises par certains commentateurs. Pour moi, c'est du haut niveau, dans la pure
lignée des précédentes spiroutades de Bravo ; du palpitant, du tragique même,
du sentimental, de la grande Histoire magnifiée par le talent d'une
"petite" histoire dessinée. Et question dessin, c'est un régal de voir
cette "ligne claire" plutôt tintinesque donner un certain poids
"sérieux" à la fantaisie comique habituellement attachée à Spirou. Bref, une pépite !"
Tome 3 (1er mars 2022)
"Il approfondit la saga en 114 pages de misère
nazie, de résistance belge, de marionnettes salvatrices, d'enfances malgré
tout, en attendant la conclusion qui devrait arriver au volume suivant.
J'ai lu ici ou là que la série
tirait un peu en longueur. Quelle grossière erreur : elle prend son temps, la
série, pour témoigner, émouvoir, transporter, amuser et effrayer.
Spirou est toujours ingénu,
tellement juste dans sa peinture du "bon petit gars" en train de
quitter l'adolescence ; Fantasio se comporte en héros mais reste gaffeur et
bêta ; les curés kollaborent ou entraident, les citoyens sont pleutres ou
courageux, les amours s'épanouissent dans la clandestinité des campagnes, les
Juifs sont déportés... bref, l'incroyable 39/45 s'enlumine sous nos yeux et
dans nos sentiments.
Ce 3ème tome s'achève sur
un épouvantable suspense, petit bonus sur une œuvre unique et formidable ! "
Tome 4 (26 mai 2022)
Quatrième et dernière partie de L'ESPOIR MALGRÉ TOUT, le monument graphique d’Émile Bravo publié avec tant de soin par les Éditions Dupuis.
Il fallait bien que cela finisse un jour, je le sais ; mais le sentiment de vide qui m'a saisi en tournant la dernière page ressemble à celui d'un deuil.
Le deuil de toutes ces années où le héros généreux et "ingénu", son comparse idiot mais héroïque, les enfants des faubourgs et des campagnes, les Résistants et les collabos, les quartiers de villes belges et les forêts exemplaires, les convois sans retour des sacrifiés juifs, les histoires d'amour parfois difficiles, les amis sûrs et le fracas des explosions, les théâtres de marionnettes, les braves gens et les salopards, l'immonde antisémitisme, les artistes persécutés, la faim le froid, les envahisseurs ou les libérateurs, la peur mais l'espoir, l'espoir malgré tout, bref ce petit grand univers qu'un démiurge inspiré déployait devant nous, ce deuil, donc, dis-je, me traîne encore dans son sillage grisailleux, et je vais me refaire la collection complète d'une traite pour m'en libérer.
L'unité du monde peint par EB se révèle ici dans les nouvelles qui arrivent enfin de Kassandra, la lointaine "fiancée" que Spirou recherche depuis "Le Journal d'un ingénu", il y a treize ans ; nouvelles somme toute positives, mais cruelles pour le héros.
Et, cerise sur le gâteau, le profond encrage de cette fiction dans la réalité éclate sur les deux planches ultimes (no spoil) : un coup de théâtre qui m'a coupé le souffle et confirmé que j'avais bien entre les mains l'apex bouleversant d'une œuvre de haute tenue.
Une œuvre qui est, pour l'instant, celle de la vie d'EB.
Une œuvre qui transcende les genres et s'impose comme universelle.
Merci Numa.