Le Salon du
livre et de la presse jeunesse en Seine-Saint-Denis, qui s’est déroulé
du 26 novembre au 1er décembre dernier (toujours à
Montreuil) a délivré, encore une fois, son lot d’heureuses découvertes
et de prix judicieusement attribués.
Interview du dessinateur Emile Bravo, lauréat du Tam-Tam catégorie BD, pour Ma maman, un joli album où Jean Régnaud raconte son enfance sans sa mère.
Ma maman vient d’être primé au salon de Montreuil. Votre réaction (presque) à chaud ?
Emile Bravo : je suis très content, surtout pour Jean
(Régnaud), auteur de l’histoire. D’un point de vue graphique, j’ai
essayé d’exprimer au mieux ce texte, qui m’a beaucoup ému,
et apparemment ça a fonctionné.
Ma maman se situe entre l’illustration et la bande dessinée, pourquoi ce choix ?
E.B. : la bande dessinée et l’illustration, quand elles
sont bien faites, ne reprennent pas forcément des passages du texte. Là,
l’illustration apporte de la narration graphique, le
récit a d’ailleurs été construit comme ça dès le départ. Jean
visualisait déjà les illustrations, il les a décrites en détail. On
voyait qu’il avait besoin de s’exprimer de façon graphique.
Ensuite, il m’a paru intéressant de mêler illustration pleine page
et bande dessinée quand il y a du dialogue. Parce que la bande dessinée,
selon ma vision, c’est du dialogue !
Dans Ma maman, on se demande quelle est la part de vérité !
Par exemple, la petite fille qui donne des nouvelles imaginaires de la
mère de Jean, le petit garçon, ça aurait pû être
mignon mais c’est monstrueux, non ?
E.B. : oui, mais c’est la réalité, il s’agit d’une œuvre
autobiographique. Tout ne s’est pas passé forcément en même temps. En
fait, Jean a rassemblé tous ses traumatismes pour en
faire une histoire. Il l’a juste un peu romancée pour que
chronologiquement l’histoire tienne sur six mois, mais tout est vrai !
La lecture de Ma maman est très agréable pour un adulte, on
se replonge dans le monde de l’enfance, qu’il soit drôle ou cruel.
Avez-vous travaillé sur une double lecture ou est-ce qu’une
bonne histoire pour enfant, c’est une bonne histoire avant tout ?
E.B. : je dis souvent qu’une bonne histoire pour adulte
doit être lisible par un enfant et inversement. Il faut marier ces
différents degrés de lecture pour qu’un adulte développe
également son interprétation. Et si Ma maman plaît à tout le monde,
c’est parce que l’histoire de Jean est très bien ficelée.
Vous êtes un auteur jeunesse, cette appellation vous convient-elle ?
E.B. : je suis un auteur tout public. J’ai adopté cette
écriture graphique qu’est la bande dessinée pour m’adresser à des
enfants. Mais il ne faut pas s’imaginer que je m’enferme
dans un univers, je parle à tout le monde. Etant un adulte, il faut
que les histoires que j’illustre ou que je crée me plaisent, c’est pour
cela, je pense, que je ne fais pas dans la
mièvrerie.
Vous êtes aussi l’auteur des Epatantes aventures de Jules, de deux albums très drôles dont les héros sont sept ours nain, avez-vous envie de publier des albums uniquement pour
adulte ?
E.B. : si on part de ma définition, je considère que Jules
ou les Ours nains c’est de la bande dessinée pour adulte, parce qu’il y a
un degré de lecture pour adulte.
Oui, cela s’adresse aux enfants et aux adultes, mais publier une bande dessinée uniquement pour adultes, ça vous tente ?
E.B. : mais être adulte, qu’est-ce que c’est ? Je pense que
c’est quand on renoue avec son enfance. Et ce que l’on présente, en
général, comme étant de la bande dessinée pour
adulte (c’est pareil pour le cinéma, pour la littérature), c’est
lorsqu’il y a du sexe et de la violence. Pour moi, ça s’adresse plutôt
aux adolescents ! Des œuvres pour la jeunesse, comme
Tintin par exemple, sont beaucoup plus mûres.
Vous parliez de Tintin, le slogan de 7 à 77 ans semble vous correspondre !
E.B. : oui, ce qui beau dans la bande dessinée, que l’on ne
retrouve pas forcément dans le cinéma ou la littérature, c’est que ça
peut se lire à deux, ça se partage. Une
interactivité se crée, ainsi qu’une complicité intergénérationnelle.
Je trouve ça si fort, et tellement particulier à la bande dessinée, que
je trouve dommage de ne pas l’utiliser.
A propos de votre style graphique, votre premier album, Ivoire, a été publié dans la collection Atomium chez Magic Strip, où vous avez succédé à la fine fleur de la ligne claire
franco-belge : Chaland, Cornillon, Avril, Dupuy & Berberian, assumez-vous cette héritage ?
E.B. : je me souviens avoir lu, étant gamin, le
livre d’entretiens* avec Hergé, mené par Numa Sadoul. Ils y évoquaient
la question de la ligne claire. Pour Hergé, ce n’était
pas du tout un mouvement graphique, mais l’adéquation entre le texte
et l’image. Cela signifie que l’aspect esthétique ne prime pas sur la
lisibilité, la clarté et la fluidité de l’histoire.
L’image est au service du récit, point barre ! Le côté esthétique ne
m’a jamais vraiment préoccupé… Je cherche, bien sûr, l’équilibre dans
mes cases et ne me lancerai pas dans une plongée si
ce n’est pas nécessaire. Je ne me considère pas comme un dessinateur
mais comme un “narrateur graphique”. Ce qui est important avant tout,
c’est l’attitude, le mouvement, le jeu des personnages.
Je parle souvent de théâtre. Les décors sont là simplement pour
étoffer, donner une ambiance, ils faut les évoquer sans trop de détails
car ça peut nuire à la lisibilité. Tout ce qui doit être
dessiné en arrière-plan ne nécessite pas d’être trop appuyé : ce
sont des choses qui sont vues en deuxième ou troisième lecture. A mon
avis, on ne doit pas trop jouer avec ça parce que ça
peut déstabiliser le lecteur. Aujourd’hui, il me semble que beaucoup
de gens ne savent pas lire un dessin, donc il ne faut pas les
perturber.
N’y a-t-il pas, tout de même, à l’origine, une fascination pour Chaland ?
E.B. : oui. Ce qui me paraît intéressant avec Chaland,
c’est l’opposition entre, d’une part, la pureté du trait, ces jolis
pleins et déliés qui font référence aux années 50, début
60, avec ce côté innocent de la bande dessinée de l’époque et,
d’autre part, le propos, très dur. Voilà ce qui me plaisait chez lui,
pas l’aspect esthétique. Je n’ai jamais cherché à l’imiter.
Lui prenait beaucoup de plaisir à réaliser des décors,
fantastiques ; les miens sont basiques. Chaland avait un côté très
graphique, moi, j’épure le plus possible pour servir le
récit.
Vous avez été doublement récompensé pour Ma maman… (Angoulème, Montreuil), pour « votre » Spirou (Le Journal d’un ingénu avec le prix des libraires BD. Est-ce l’année
Emile Bravo ?
E.B. : (rires) je ne sais pas ! Je ne suis pas dupe, je me
rends bien compte que c’est le vecteur Spirou qui porte tout ça. A
partir de là, il faut rester humble. Tant mieux si
ça plait et si ça peut aider à ce que les gens se penchent sur mon
enfant à moi, Les Epatantes aventures de Jules, j’en suis ravi.
Les projets ?
E.B. : je viens de finir un Ours nain qui sort au mois de mars, et je vais attaquer un Jules.
*Tintin et moi, entretiens avec Hergé de Numa Sadoul. Editions Flammarion.
Propos recueillis par Laurent Assuid
Source Point G Magasine
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mercredi 30 septembre 2009
Ruppert et Mulot présentent « La Maison Close » au festival de BD d'Angoulême 2009
Source : Site du Festival International de la BD d'Angoulême
Merci à Julie Rhéaume pour ces renseignements.
En contrepoint à la présentation de leur travail, Dupuy & Berberian ont souhaité que l’exposition qui leur est consacrée ouvre une fenêtre sur les nouveaux auteurs d’aujourd’hui.
C’est la raison d’être de l’invitation adressée à Florent Ruppert et Jérôme Mulot, les auteurs du remarqué
« Panier de singe » (L’Association, 2006), lauréats de l’Essentiel Révélation lors de la 34e édition du Festival.
Une forme de connivence avec deux auteurs qui, eux aussi, partagent l’intégralité du processus de création sans en passer par la traditionnelle opposition dessin / scénario, en même temps qu’un passage de relais symbolique à la bande dessinée de nouvelle génération.
Libres de donner à leur intervention la forme de leur choix, Ruppert et Mulot ont opté pour un travail collectif intitulé « La Maison Close ».
Cette exposition-événement rassemblant une vingtaine d’auteurs reprend le principe du
«championnat de bras de fer» que Ruppert et Mulot développent sur leur site Internet : des joutes graphiques où chaque auteur participant met en scène son propre personnage et ses propres dialogues, Ruppert et Mulot jouant à la fois le rôle de décorateurs et d’arbitres.
Pour la circonstance, cette confrontation dessinée réunissant aussi bien des auteurs hommes que femmes s’inscrira dans l’espace d’une maison close peuplée de ses femmes faciles et de ses clients avec toutes les conséquences logiques ou illogiques que peut entraîner ce mélange des rôles, des sexes et des genres — mais chut, ne dévoilons pas davantage une installation- « happening » qui devrait en surprendre plus d’un… Outre son installation physique au sein de l’exposition Dupuy & Berberian, « La Maison Close » mise en place par Ruppert et Mulot prendra également la forme d’une bande dessinée en ligne à suivre sur le site du Festival...
Pour accéder au menu de La maison close, cliquez sur les personnages pour accéder à leur "BD".
Pour visualiser l'intervention d' Emile Bravo c'est ici
Merci à Julie Rhéaume pour ces renseignements.
En contrepoint à la présentation de leur travail, Dupuy & Berberian ont souhaité que l’exposition qui leur est consacrée ouvre une fenêtre sur les nouveaux auteurs d’aujourd’hui.
C’est la raison d’être de l’invitation adressée à Florent Ruppert et Jérôme Mulot, les auteurs du remarqué
« Panier de singe » (L’Association, 2006), lauréats de l’Essentiel Révélation lors de la 34e édition du Festival.
Une forme de connivence avec deux auteurs qui, eux aussi, partagent l’intégralité du processus de création sans en passer par la traditionnelle opposition dessin / scénario, en même temps qu’un passage de relais symbolique à la bande dessinée de nouvelle génération.
Libres de donner à leur intervention la forme de leur choix, Ruppert et Mulot ont opté pour un travail collectif intitulé « La Maison Close ».
Cette exposition-événement rassemblant une vingtaine d’auteurs reprend le principe du
«championnat de bras de fer» que Ruppert et Mulot développent sur leur site Internet : des joutes graphiques où chaque auteur participant met en scène son propre personnage et ses propres dialogues, Ruppert et Mulot jouant à la fois le rôle de décorateurs et d’arbitres.
Pour la circonstance, cette confrontation dessinée réunissant aussi bien des auteurs hommes que femmes s’inscrira dans l’espace d’une maison close peuplée de ses femmes faciles et de ses clients avec toutes les conséquences logiques ou illogiques que peut entraîner ce mélange des rôles, des sexes et des genres — mais chut, ne dévoilons pas davantage une installation- « happening » qui devrait en surprendre plus d’un… Outre son installation physique au sein de l’exposition Dupuy & Berberian, « La Maison Close » mise en place par Ruppert et Mulot prendra également la forme d’une bande dessinée en ligne à suivre sur le site du Festival...
Pour accéder au menu de La maison close, cliquez sur les personnages pour accéder à leur "BD".
Pour visualiser l'intervention d' Emile Bravo c'est ici
mardi 29 septembre 2009
Spirou, l'âge de déraison... sur Lepoint.fr du 29 Mai 2008
Spirou a 70
ans ! C'est en avril 1938 que Rob-Vel crée à la demande de Jean Dupuis,
fondateur des éditions qui portent son nom, ce personnage de groom
appelé à devenir l'un des symboles les plus fameux de la bande
dessinée franco-belge. Mais c'est surtout André Franquin qui offre à la
série ses lettres de noblesse lorsqu'il la reprend, en 1946.
Il faut croire que les éditions Dupuis lui ont enfin trouvé un digne
successeur en la personne d’Émile Bravo, qui signe avec ce « Journal
d'un ingénu » une œuvre à la fois irrévérencieuse et
très réussie. L'histoire se déroule à la veille de la Seconde Guerre
mondiale à Bruxelles. Des négociations cruciales entre Allemands et
Polonais ont lieu dans un hôtel où le jeune Spirou est un
groom maladroit, naïf et manquant singulièrement de perspicacité. Sa
rencontre avec Fantasio, un jeune paparazzi, et une désillusion
amoureuse contribueront à le déniaiser et à lui ouvrir les
yeux sur la complexité et la dureté du monde. Cet album est une pure
merveille, qui montre que, malgré les assauts répétés du manga ou des
comics américains, la BD franco-belge n'a pas encore
rendu les armes.
Source : Lepoint.fr
Auteur : Romain Brethes
Source : Lepoint.fr
Auteur : Romain Brethes
lundi 28 septembre 2009
Quand Émile Bravo réinvente le petit Spirou... sur BDgest
Source BDgest
Ce mercredi 23 avril, les Éditions Dupuis invitaient les amis de la bande dessinée à fêter les 70 ans de Spirou à l’hôtel Métropole de Bruxelles. A cette occasion, nous avons eu la chance de pouvoir poser quelques questions à Émile Bravo sur son étonnant album : Le Journal d’un Ingénu.
Tout d’abord, comment l’album est-il né ? D’où vous est venue cette idée de décrire les origines de Spirou ? Avez-vous été voir les éditions Dupuis avec un dossier sous le bras ?
Émile Bravo : Non pas du tout, je suis plutôt assez discret et je ne vais pas chercher le travail. En général, je le fuis même (rires).
Plus sérieusement, ils sont venus me chercher parce que Benoit Fripiat (ndlr : directeur éditorial adjoint chez Dupuis) appréciait beaucoup ce que j’avais fait sur la série « Une épatante Aventure de Jules ». Quand le moment est venu, il m’a appelé, on s’est vus et l’idée a germé tout de suite.
L’idée de base de l’album m’est, en fait, apparue très vite car quand j’étais gamin, je me posais beaucoup de questions sur le personnage de Spirou. Moi aussi, j’avais, à l’époque, besoin de plus de précisions sur son origine. Et donc, je me suis dit que ce qui serait intéressant dans l’écriture d’une aventure de Spirou et de Fantasio, c’était justement de répondre au gamin que j’étais et de lui apporter des réponses aux questions qu’il se posait.
Quelles sont ces questions ?
Ces questions se retrouvent sur le quatrième de couverture de l’album. Ce sont celles qui qui me venaient naturellement lorsque je lisais les albums de Franquin.
Comment Fantasio et Spirou sont-ils devenus amis ? Comme se fait-il que Spip parle et pense comme un être humain ? Pourquoi Spirou porte-t-il un costume de groom ?
…et surtout, la plus importante, comment est-il devenu un héros ?
L’objectif était-il donc de faire un album « zéro », se situant entre Rob-Vel et Franquin et plus précisément juste avant l’album « Quatre Aventures de Spirou et Fantasio » ? L’album contient d’ailleurs certaines allusions au match contre Poildur.
On pourrait, si on le voulait, le situer un peu avant cette histoire. On y retrouve, en effet, le personnage du P’tit Louis ainsi que certaines allusions à la boxe. On peut ainsi comprendre pourquoi Spirou a quelques rudiments de ce sport lorsque débute l’aventure Spirou sur le Ring.
Mais le but de cet album était plutôt global, à savoir d’établir un lien général entre le Spirou de Rob-Vel et celui de Franquin. J’avais, par exemple, envie de décrire la période entre celle où Spirou est seul et celle ou il part à l’aventure avec Fantasio. Jijé a inventé ce personnage secondaire qui arrive dans les aventures de Spirou un peu comme un cheveu dans la soupe. On ne sait pas d’où il vient, on sait juste qu’il a une chronique au Moustique et qu’il est ami avec Spirou, et c’est tout. Jijé n’explique ni les origines de ce personnage, ni celle de son amitié avec Spirou. Franquin reprendra Fantasio sans donner plus d’information.
De même pour le fameux Moustic Hotel, les aventures écrites par Rob-Vel s’y déroulent en grande partie et il disparaît dans les albums de Franquin. Spip et sa capacité à penser et à commenter l’action (ndlr : qui se développe à partir de Franquin) font également partie des éléments que je voulais développer dans mon album.
De plus, entre Rob-Vel et Franquin, on passe également du gag comique sans envergure à l’aventure avec un grand A. L’album porte également sur cette transition.
Reprendre un personnage comme Spirou n’est-il pas trop frustrant ? N’y a-t-il pas trop de règles ou de canevas à respecter ?
J’ai eu la chance de pouvoir écrire une histoire sur Spirou dans laquelle il n’est pas encore le héros que tout le monde connaît et donc à une époque où il n’était rien. En ce sens, j’avais beaucoup plus de libertés pour écrire mon histoire. Je pouvais, par exemple, faire quelque chose de plus intéressant avec le personnage de Spirou. J’ai toujours trouvé le Spirou de Rob-Vel très lisse. Franquin, par la suite, l’a étoffé en lui donnant une dimension humaniste mais ça manquait toujours d’une véritable psychologie.
Faire une aventure de Spirou pour le simple fait de faire une aventure, ça ne m’intéressait pas. Je souhaitais faire autre chose avec ce personnage.
Une des originalités du récit est de placer Spirou et Fantasio dans un environnement très grave, à savoir le début de la seconde guerre mondiale. En ce sens, on peut faire un parallèle avec la démarche de Tome et Janry dans Machine qui rêve, qui proposait une intrigue « plus sérieuse ». Cet album avait essuyé de nombreuses critiques du lectorat de Spirou. Avez-vous craint des réactions similaires ?
Je n’ai pas lu cet album et donc je ne peux pas me prononcer sur le parallèle. Mais concernant la réaction de public, je ne me suis pas posé ce genre de questions.
De plus, le but n’était pas de faire une histoire de Spirou et Fantasio « plus sérieuse » que les autres. J’ai essayé de créer une histoire assez facétieuse, en fait. Par l’humour qui se dégage de l’innocence de Spirou, j’avais plutôt envie de décrire une histoire comique et de montrer, via le décalage entre les facéties des personnages et les enjeux en cours, le regard de l’enfant sur le monde des adultes et son fonctionnement.
La proposition de Spirou pour résoudre le problème du couloir de Dantzig est un bon exemple de ce regard innocent de l’enfant sur les problèmes des adultes...
Tout à fait. Avec cette scène, je désirais montrer que le regard simple d’un enfant peut parfois apporter des solutions à des problèmes apparemment compliqués. C’est la résistance des soi-disant adultes qui empêchent l’idée de l’enfant de se concrétiser. Pour illustrer ce propos, je prends toujours l’exemple d’Alfred Wegener, l’inventeur de la théorie de la tectonique des plaques. Il est parti d’une constatation simple, une idée d’enfant, à savoir que les continents s’emboîtaient entre eux comme un puzzle. Il suffit de regarder l’Afrique de l’Ouest et l’Amérique du Sud pour s’en convaincre. De là, son hypothèse que les continents avaient du dériver. Eh bien, à l’époque (ndlr : 1912), Alfred Wegener a subi de nombreuses critiques de la part de géologues apparemment reconnus. Il a fallu attendre longtemps pour voir son intuition confirmée par la communauté scientifique.
C’est ce qui arrive à Spirou lorsqu’il propose sa solution aux négociateurs allemands et polonais.
Autre originalité du récit : l’épilogue où vous montrez montrez une facette cachée de Spip. Comment doit-on interpréter cet épisode ?
Ce qu’on apprend dans l’épilogue peut s’expliquer par le traumatisme que Spip subit en recevant une « conscience » et donc la capacité à comprendre le monde des hommes. Ce choc est d’autant plus grand qu’il se retrouve seul : il ne peut pas parler avec les hommes et les autres écureuils ne le comprennent plus.
Un autre niveau de lecture est que les moments où Spip se met à parler et à penser se déroulent juste après que Spirou ait bu de l’alcool. De là, à penser que ce qui arrive à Spip se déroule dans l’imaginaire « embrumé » de Spirou…
Si on garde le premier niveau de lecture, on peut faire un parallèle avec la situation de Spirou à la fin de l’album ?
Exact. Durant l’album, Spirou va passer de l’enfance/adolescence à l’âge adulte. Il va, à la fin du récit, comprendre ce qui s’est réellement passé et donc comprendre la réalité du monde des adultes. Ce traumatisme va créer le héros que l’on connaît et va expliquer pourquoi il va se « perdre » dans l’aventure sans plus toucher au « politique » et sans plus jamais entamer une nouvelle liaison amoureuse. C’était intéressant de monter que personne ne naît réellement héros mais que ce sont plutôt les circonstances qui font les héros.
Spirou fait quand même un choix à la fin…
Oui et le bon. Car ce qu’il apprend aurait pu le détruire, le faire sombrer dans la dépression ou l’alcool, mais il choisit l’aventure.
Un bon choix, en définitive.
Dernière question. Ne serait-il pas opportun maintenant que vous avez expliqué les raisons qui ont poussé Spirou à devenir un aventurier, d’écrire un second album sur la prochaine étape de son cheminement, à savoir sa première réelle aventure ?
C’est la conséquence logique de la fin du Journal d’un Ingénu. Les éditions Dupuis m’ont déjà approché à ce sujet. C’est une bonne idée qui prendra un certain temps à se concrétiser. Il faut toujours laisser du temps aux bonnes idées pour mûrir...
Propos recueillis en avril 2008, par Amaury Legrain
Ce mercredi 23 avril, les Éditions Dupuis invitaient les amis de la bande dessinée à fêter les 70 ans de Spirou à l’hôtel Métropole de Bruxelles. A cette occasion, nous avons eu la chance de pouvoir poser quelques questions à Émile Bravo sur son étonnant album : Le Journal d’un Ingénu.
Tout d’abord, comment l’album est-il né ? D’où vous est venue cette idée de décrire les origines de Spirou ? Avez-vous été voir les éditions Dupuis avec un dossier sous le bras ?
Émile Bravo : Non pas du tout, je suis plutôt assez discret et je ne vais pas chercher le travail. En général, je le fuis même (rires).
Plus sérieusement, ils sont venus me chercher parce que Benoit Fripiat (ndlr : directeur éditorial adjoint chez Dupuis) appréciait beaucoup ce que j’avais fait sur la série « Une épatante Aventure de Jules ». Quand le moment est venu, il m’a appelé, on s’est vus et l’idée a germé tout de suite.
L’idée de base de l’album m’est, en fait, apparue très vite car quand j’étais gamin, je me posais beaucoup de questions sur le personnage de Spirou. Moi aussi, j’avais, à l’époque, besoin de plus de précisions sur son origine. Et donc, je me suis dit que ce qui serait intéressant dans l’écriture d’une aventure de Spirou et de Fantasio, c’était justement de répondre au gamin que j’étais et de lui apporter des réponses aux questions qu’il se posait.
Quelles sont ces questions ?
Ces questions se retrouvent sur le quatrième de couverture de l’album. Ce sont celles qui qui me venaient naturellement lorsque je lisais les albums de Franquin.
Comment Fantasio et Spirou sont-ils devenus amis ? Comme se fait-il que Spip parle et pense comme un être humain ? Pourquoi Spirou porte-t-il un costume de groom ?
…et surtout, la plus importante, comment est-il devenu un héros ?
L’objectif était-il donc de faire un album « zéro », se situant entre Rob-Vel et Franquin et plus précisément juste avant l’album « Quatre Aventures de Spirou et Fantasio » ? L’album contient d’ailleurs certaines allusions au match contre Poildur.
On pourrait, si on le voulait, le situer un peu avant cette histoire. On y retrouve, en effet, le personnage du P’tit Louis ainsi que certaines allusions à la boxe. On peut ainsi comprendre pourquoi Spirou a quelques rudiments de ce sport lorsque débute l’aventure Spirou sur le Ring.
Mais le but de cet album était plutôt global, à savoir d’établir un lien général entre le Spirou de Rob-Vel et celui de Franquin. J’avais, par exemple, envie de décrire la période entre celle où Spirou est seul et celle ou il part à l’aventure avec Fantasio. Jijé a inventé ce personnage secondaire qui arrive dans les aventures de Spirou un peu comme un cheveu dans la soupe. On ne sait pas d’où il vient, on sait juste qu’il a une chronique au Moustique et qu’il est ami avec Spirou, et c’est tout. Jijé n’explique ni les origines de ce personnage, ni celle de son amitié avec Spirou. Franquin reprendra Fantasio sans donner plus d’information.
De même pour le fameux Moustic Hotel, les aventures écrites par Rob-Vel s’y déroulent en grande partie et il disparaît dans les albums de Franquin. Spip et sa capacité à penser et à commenter l’action (ndlr : qui se développe à partir de Franquin) font également partie des éléments que je voulais développer dans mon album.
De plus, entre Rob-Vel et Franquin, on passe également du gag comique sans envergure à l’aventure avec un grand A. L’album porte également sur cette transition.
Reprendre un personnage comme Spirou n’est-il pas trop frustrant ? N’y a-t-il pas trop de règles ou de canevas à respecter ?
J’ai eu la chance de pouvoir écrire une histoire sur Spirou dans laquelle il n’est pas encore le héros que tout le monde connaît et donc à une époque où il n’était rien. En ce sens, j’avais beaucoup plus de libertés pour écrire mon histoire. Je pouvais, par exemple, faire quelque chose de plus intéressant avec le personnage de Spirou. J’ai toujours trouvé le Spirou de Rob-Vel très lisse. Franquin, par la suite, l’a étoffé en lui donnant une dimension humaniste mais ça manquait toujours d’une véritable psychologie.
Faire une aventure de Spirou pour le simple fait de faire une aventure, ça ne m’intéressait pas. Je souhaitais faire autre chose avec ce personnage.
Une des originalités du récit est de placer Spirou et Fantasio dans un environnement très grave, à savoir le début de la seconde guerre mondiale. En ce sens, on peut faire un parallèle avec la démarche de Tome et Janry dans Machine qui rêve, qui proposait une intrigue « plus sérieuse ». Cet album avait essuyé de nombreuses critiques du lectorat de Spirou. Avez-vous craint des réactions similaires ?
Je n’ai pas lu cet album et donc je ne peux pas me prononcer sur le parallèle. Mais concernant la réaction de public, je ne me suis pas posé ce genre de questions.
De plus, le but n’était pas de faire une histoire de Spirou et Fantasio « plus sérieuse » que les autres. J’ai essayé de créer une histoire assez facétieuse, en fait. Par l’humour qui se dégage de l’innocence de Spirou, j’avais plutôt envie de décrire une histoire comique et de montrer, via le décalage entre les facéties des personnages et les enjeux en cours, le regard de l’enfant sur le monde des adultes et son fonctionnement.
La proposition de Spirou pour résoudre le problème du couloir de Dantzig est un bon exemple de ce regard innocent de l’enfant sur les problèmes des adultes...
Tout à fait. Avec cette scène, je désirais montrer que le regard simple d’un enfant peut parfois apporter des solutions à des problèmes apparemment compliqués. C’est la résistance des soi-disant adultes qui empêchent l’idée de l’enfant de se concrétiser. Pour illustrer ce propos, je prends toujours l’exemple d’Alfred Wegener, l’inventeur de la théorie de la tectonique des plaques. Il est parti d’une constatation simple, une idée d’enfant, à savoir que les continents s’emboîtaient entre eux comme un puzzle. Il suffit de regarder l’Afrique de l’Ouest et l’Amérique du Sud pour s’en convaincre. De là, son hypothèse que les continents avaient du dériver. Eh bien, à l’époque (ndlr : 1912), Alfred Wegener a subi de nombreuses critiques de la part de géologues apparemment reconnus. Il a fallu attendre longtemps pour voir son intuition confirmée par la communauté scientifique.
C’est ce qui arrive à Spirou lorsqu’il propose sa solution aux négociateurs allemands et polonais.
Autre originalité du récit : l’épilogue où vous montrez montrez une facette cachée de Spip. Comment doit-on interpréter cet épisode ?
Ce qu’on apprend dans l’épilogue peut s’expliquer par le traumatisme que Spip subit en recevant une « conscience » et donc la capacité à comprendre le monde des hommes. Ce choc est d’autant plus grand qu’il se retrouve seul : il ne peut pas parler avec les hommes et les autres écureuils ne le comprennent plus.
Un autre niveau de lecture est que les moments où Spip se met à parler et à penser se déroulent juste après que Spirou ait bu de l’alcool. De là, à penser que ce qui arrive à Spip se déroule dans l’imaginaire « embrumé » de Spirou…
Si on garde le premier niveau de lecture, on peut faire un parallèle avec la situation de Spirou à la fin de l’album ?
Exact. Durant l’album, Spirou va passer de l’enfance/adolescence à l’âge adulte. Il va, à la fin du récit, comprendre ce qui s’est réellement passé et donc comprendre la réalité du monde des adultes. Ce traumatisme va créer le héros que l’on connaît et va expliquer pourquoi il va se « perdre » dans l’aventure sans plus toucher au « politique » et sans plus jamais entamer une nouvelle liaison amoureuse. C’était intéressant de monter que personne ne naît réellement héros mais que ce sont plutôt les circonstances qui font les héros.
Spirou fait quand même un choix à la fin…
Oui et le bon. Car ce qu’il apprend aurait pu le détruire, le faire sombrer dans la dépression ou l’alcool, mais il choisit l’aventure.
Un bon choix, en définitive.
Dernière question. Ne serait-il pas opportun maintenant que vous avez expliqué les raisons qui ont poussé Spirou à devenir un aventurier, d’écrire un second album sur la prochaine étape de son cheminement, à savoir sa première réelle aventure ?
C’est la conséquence logique de la fin du Journal d’un Ingénu. Les éditions Dupuis m’ont déjà approché à ce sujet. C’est une bonne idée qui prendra un certain temps à se concrétiser. Il faut toujours laisser du temps aux bonnes idées pour mûrir...
Propos recueillis en avril 2008, par Amaury Legrain
dimanche 27 septembre 2009
Article de JC Loiseau pour télérama du 26 Avril 2008 - Spirou, le journal d'un ingénu
Spirou fête ses 70 ans.
Après le retrait de l'irremplaçable Franquin à la fin des années 1960, nombre de dessinateurs se sont relayés pour faire (sur)vivre le petit groom, avec plus ou moins de bonheur. Émile Bravo, lui, ne se contente pas de broder de nouvelles aventures : il réinvente le juvénile héros en apportant de subtiles réponses à de fondamentales questions qui le taraudaient quand il était enfant. Pourquoi Spirou est-il affublé de ce costume de groom ? D'où vient l'indéfectible amitié qui le lie à Fantasio ?
Dans un flash-back formidablement inventif, Bravo imagine, le temps d'une histoire à la fois limpide et astucieuse, le Spirou d'avant Spirou. C'est un orphelin bruxellois qui travaille comme groom au Moustic Hôtel, pendant l'été 1939. Là, d'étranges complots se trament, où il est question de la guerre qui s'annonce. Il s'y trouve mêlé malgré lui, et un reporter très pot-de-colle nommé Fantasio n'arrangera rien à l'affaire... En dire plus serait éventer la magie de cette relecture très fine et très personnelle qui, pourtant, respecte, avec bonheur, et l'esprit et la lettre de la mythique série.
Maître conteur, véritable sismographe de l'esprit d'enfance, mais d'une enfance qu'il ne prend jamais à la légère, Émile Bravo jongle entre comédie et gravité, avec la même aisance funambule qui lui permet de distiller graphiquement une atmosphère d'époque sur un tempo très moderne. Cet album fera date : il marque la splendide renaissance (sans lendemain ?) d'un personnage qui s'impose, ici mieux que jamais, comme le seul rival sérieux de Tintin à ce jour.
Source : Télérama n° 3041 - 26 avril 2008
Article de Jean-Claude Loiseau
Après le retrait de l'irremplaçable Franquin à la fin des années 1960, nombre de dessinateurs se sont relayés pour faire (sur)vivre le petit groom, avec plus ou moins de bonheur. Émile Bravo, lui, ne se contente pas de broder de nouvelles aventures : il réinvente le juvénile héros en apportant de subtiles réponses à de fondamentales questions qui le taraudaient quand il était enfant. Pourquoi Spirou est-il affublé de ce costume de groom ? D'où vient l'indéfectible amitié qui le lie à Fantasio ?
Dans un flash-back formidablement inventif, Bravo imagine, le temps d'une histoire à la fois limpide et astucieuse, le Spirou d'avant Spirou. C'est un orphelin bruxellois qui travaille comme groom au Moustic Hôtel, pendant l'été 1939. Là, d'étranges complots se trament, où il est question de la guerre qui s'annonce. Il s'y trouve mêlé malgré lui, et un reporter très pot-de-colle nommé Fantasio n'arrangera rien à l'affaire... En dire plus serait éventer la magie de cette relecture très fine et très personnelle qui, pourtant, respecte, avec bonheur, et l'esprit et la lettre de la mythique série.
Maître conteur, véritable sismographe de l'esprit d'enfance, mais d'une enfance qu'il ne prend jamais à la légère, Émile Bravo jongle entre comédie et gravité, avec la même aisance funambule qui lui permet de distiller graphiquement une atmosphère d'époque sur un tempo très moderne. Cet album fera date : il marque la splendide renaissance (sans lendemain ?) d'un personnage qui s'impose, ici mieux que jamais, comme le seul rival sérieux de Tintin à ce jour.
Source : Télérama n° 3041 - 26 avril 2008
Article de Jean-Claude Loiseau
samedi 26 septembre 2009
Article de Pierre Dharréville dans l'humanité du 14 Aout 2008
Spirou, le journal d’un ingénu, d’Émile Bravo. Éditions Dupuis.
Il a l’air un peu nigaud, Spirou, dans son costume de groom désuet. Fantasio, lui, n’a pas besoin de costume pour paraître ridicule.
Il faut remonter un peu dans le temps pour comprendre le destin de ce jeune Belge moyen.
C’est ce que nous propose Émile Bravo, à qui il a été donné d’écrire une aventure du héros phare de la maison Dupuis.
Nous sommes à Bruxelles, en octobre 1939, la guerre menace. Spirou travaille dans un hôtel, et s’occupe d’une bande de gamins dont le passe-temps favori est de jouer au foot sur un terrain vague en se tapant dessus.
Ça chauffe entre le « fils de fasciste rexiste pourri » et le « gros fils de sale communiste »… La politique en culottes courtes. Spirou, complètement à côté de la plaque, a le chic pour les réconcilier : « Et n’oubliez pas : nous sommes tous belges avant tout… » Sauf le fils d’immigré espagnol… Fantasio, piètre reporter people dans un quotidien bruxellois, rôde autour de l’hôtel où nichent une modiste reconnue et son célèbre boxeur d’amant. Y nichent aussi Glaubitz, secrétaire de Ribbentrop, et trois émissaires polonais qui cherchent à éviter la guerre et à sauver leur pays. Voici notre ingénu plongé au cœur de son époque. Sur sa route, une jeune femme de chambre, bien plus dégourdie, pour qui il a le béguin : « Je ne crois pas à l’identité nationale… L’identité nationale, c’est toujours celle du pouvoir en place, et c’est tout ! » 1939 ?
Source : L'Humanité
Article de Pierre Dharréville
Il a l’air un peu nigaud, Spirou, dans son costume de groom désuet. Fantasio, lui, n’a pas besoin de costume pour paraître ridicule.
Il faut remonter un peu dans le temps pour comprendre le destin de ce jeune Belge moyen.
C’est ce que nous propose Émile Bravo, à qui il a été donné d’écrire une aventure du héros phare de la maison Dupuis.
Nous sommes à Bruxelles, en octobre 1939, la guerre menace. Spirou travaille dans un hôtel, et s’occupe d’une bande de gamins dont le passe-temps favori est de jouer au foot sur un terrain vague en se tapant dessus.
Ça chauffe entre le « fils de fasciste rexiste pourri » et le « gros fils de sale communiste »… La politique en culottes courtes. Spirou, complètement à côté de la plaque, a le chic pour les réconcilier : « Et n’oubliez pas : nous sommes tous belges avant tout… » Sauf le fils d’immigré espagnol… Fantasio, piètre reporter people dans un quotidien bruxellois, rôde autour de l’hôtel où nichent une modiste reconnue et son célèbre boxeur d’amant. Y nichent aussi Glaubitz, secrétaire de Ribbentrop, et trois émissaires polonais qui cherchent à éviter la guerre et à sauver leur pays. Voici notre ingénu plongé au cœur de son époque. Sur sa route, une jeune femme de chambre, bien plus dégourdie, pour qui il a le béguin : « Je ne crois pas à l’identité nationale… L’identité nationale, c’est toujours celle du pouvoir en place, et c’est tout ! » 1939 ?
Source : L'Humanité
Article de Pierre Dharréville
vendredi 25 septembre 2009
Article de Frédéric Potet dans Le Monde du 02 Avril 2009
Ne dites pas à Émile Bravo qu'il
est dessinateur de bande
dessinée. Parlez de lui comme d'un auteur, d'un écrivain graphique,
voire d'un romancier dessinant, mais d'un simple dessinateur, niet ! Le terme est à la fois trop réducteur et trop
référencé à ses oreilles. "Désolé, mais la BD ce n'est pas du dessin, explique-t-il. Le dessin n'est que la partie artisanale de ce métier. Savoir dessiner ne suffit pas pour être
auteur de BD. Il en est de même en littérature : savoir écrire fait-il de vous un écrivain ?" Peu importe si le propos a un air de déjà-vu.
Emile Bravo est intarissable sur le sujet, et n'a pas son pareil pour fustiger l'engeance des purs dessinateurs, ceux dont la virtuosité fait s'ébaubir les fans sur les salons. "Ils font tout pour ne pas perdre le pouvoir de fascination qu'ils exercent sur les gens. On se croirait au Moyen Age, quand ceux qui savaient lire et écrire avaient le pouvoir sur les autres."
Ceci posé, Emile Bravo aime dessiner. Il aime autant, si ce n'est plus, écrire. Et pratique tout cela avec un talent que le public et la critique saluent unanimement. Sorti en avril 2008, son Spirou, le journal d'un ingénu (éd. Dupuis) n'a pas quitté les gondoles des librairies, et flirte aujourd'hui avec les 80 000 exemplaires vendus. Un succès qui doit bien sûr beaucoup à la notoriété du personnage emprunté (Spirou) et au bouche-à-oreille dont a bénéficié l'album, mais aussi à la réputation de... dessinateur qui escorte Bravo depuis un certain temps.
L'invité d'honneur du festival BD à Bastia (du 2 au 5 avril) est généralement présenté comme l'un des héritiers les plus doués de la ligne claire franco-belge (trait noir, contours d'épaisseur régulière, couleurs en aplats...). Depuis Yves Chaland, mort dans un accident de voiture en 1990, rarement auteur avait rallié autant de suffrages parmi les inconditionnels de ce langage graphique porté aux nues par Hergé.
Une petite précision, cependant. Plus les années passent, et plus la ligne claire d'Emile Bravo perd de sa clarté. A ses débuts, son pinceau n'avait qu'une idée fixe : réaliser les pleins et déliés les plus parfaits qui soient. L'obsession pouvait le pousser à réaliser l'encrage sur un papier calque posé au-dessus des crayonnés. C'est en côtoyant d'autres auteurs réunis dans un atelier de la place des Vosges au milieu des années 1990 que ce Parisien né en 1964 a commencé à prendre ses distances avec les codes de la ligne claire.
Le contact des Joann Sfar, Emmanuel Guibert et Christophe Blain l'a en quelque sorte affranchi des contraintes existantes : "Quelle liberté ils avaient ! C'est en les voyant faire que j'ai pu me lâcher." La technologie est venue accompagner la mutation. Bravo utilise désormais un feutre pinceau dont il remplit à peine le réservoir, de telle sorte que l'encre crachée par l'ustensile s'étale de manière charbonneuse, faisant ressortir le grain du papier.
Alors, claire ou pas claire, cette damnée ligne ? L'affaire ferait une belle jambe à l'intéressé si celui-ci ne revendiquait pas un certain académisme. "Mon souci est de m'adresser au plus grand nombre de lecteurs. C'est pour cela que j'adopte des codes graphiques connus de tous. Tout le monde a lu au moins un Tintin une fois dans sa vie. Il faut savoir que, pour Hergé, la ligne claire n'a jamais répondu à une définition graphique, mais a toujours été un genre narratif dont la vocation est de mettre le dessin au service de l'histoire." Captiver son lecteur, ne jamais faire baisser son attention : tel serait finalement le seul credo de Bravo. "L'important, chez lui, est vraiment l'efficacité du récit, confirme Benoît Fripiat, son éditeur chez Dupuis. La BD sort actuellement d'une période où les auteurs et les éditeurs se sont beaucoup concentrés sur l'aspect graphique. On avait oublié qu'il fallait aussi raconter des histoires. Le succès d'Emile nous renvoie aujourd'hui à cette évidence."
L'efficacité, donc. Mais le refus de la mièvrerie également. S'il surnage aujourd'hui au milieu de l'abondante production d'albums pour jeunesse, c'est aussi que ce fils de réfugié espagnol (prénommé Emilio) a doté ses personnages d'une épaisseur psychologique peu commune. Grands ou petits, ceux-ci doutent, s'angoissent, tombent amoureux, se posent des questions métaphysiques, développent une conscience politique... Son Spirou est un modèle du genre. L'histoire se déroule en 1939. Encore adolescent, en pleine "révélation de soi", le petit groom est à l'aube d'un traumatisme personnel profond. L'imminence de la guerre s'apprête à le transformer en adulte féru d'humanisme. Présenté ainsi, le scénario peut sembler bien grave pour une BD jeunesse. Tout le contraire, nous démontre sur 63 planches Emile Bravo, dont la référence absolue en la matière est Maus, d'Art Spiegelman. "Un livre qui, tout en nous parlant de l'horreur (la Shoah), est aussi bien lisible par les adultes et les enfants."
Afin de se mettre à hauteur de ses lecteurs les plus jeunes, Spiegelman avait utilisé la technique de l'anthropomorphisation en remplaçant les êtres humains par des souris. Bravo, lui, truffe ses récits de rebondissements et de gags, dans la pure tradition franco-belge, mais aussi par goût pour le divertissement. On n'est pas pour rien fan de Lubitsch et de Monicelli. "Émile passait beaucoup de temps à détendre l'atmosphère à l'atelier des Vosges, se souvient Emmanuel Guibert. Cet humour naturel est aujourd'hui tangible dans son œuvre, tout comme l'ensemble des questions graves qui y apparaissent."
Un grand raconteur, en somme, qui faillit bien ne jamais le devenir. La BD n'a jamais été une vocation chez ce titulaire d'un bac E qui se destinait à embrasser mollement la carrière d'ingénieur. Voyant les dessins qui noircissaient les marges de ses cahiers, un copain lui dit un jour : "Tu devrais faire de la BD." "Je n'y avais jamais pensé", se souvient l'autodidacte. Ses parents ne s'opposeront pas au projet. Surtout pas son père - dessinateur à ses heures - qui lui lisait des albums quand il était petit et riait des passages que lui ne comprenait pas.
Son ambition n'est pas ailleurs aujourd'hui. "Créer de la complicité intergénérationnelle. La BD est un mode d'écriture fait pour les enfants. Je n'arrive pas à me dissocier de cette idée. Je lui attribue les mêmes vertus qu'au conte : apporter le doute chez l'enfant, le préparer à l'âge adulte", développe ce quadra, dont le paradoxe est de ne pas avoir de descendance et de ne pas en souhaiter. "Pour cause d'immaturité", affecte-t-il d'expliquer.
L'album auquel il travaille actuellement est une histoire de Jules, son héros adolescent abandonné en 2006 sur des questions existentielles autour de Dieu et de la paternité. Le suivant sera un Spirou : "Mais à condition que je trouve une bonne idée de scénario. Si je n'ai rien à dire, je ne vais pas ramener ma fraise, non ?" Comme disent les jeunes : c'est clair.
Source : Le Monde
Article de Frédéric Potet dans Le Monde, du 02.04.2009
Emile Bravo est intarissable sur le sujet, et n'a pas son pareil pour fustiger l'engeance des purs dessinateurs, ceux dont la virtuosité fait s'ébaubir les fans sur les salons. "Ils font tout pour ne pas perdre le pouvoir de fascination qu'ils exercent sur les gens. On se croirait au Moyen Age, quand ceux qui savaient lire et écrire avaient le pouvoir sur les autres."
Ceci posé, Emile Bravo aime dessiner. Il aime autant, si ce n'est plus, écrire. Et pratique tout cela avec un talent que le public et la critique saluent unanimement. Sorti en avril 2008, son Spirou, le journal d'un ingénu (éd. Dupuis) n'a pas quitté les gondoles des librairies, et flirte aujourd'hui avec les 80 000 exemplaires vendus. Un succès qui doit bien sûr beaucoup à la notoriété du personnage emprunté (Spirou) et au bouche-à-oreille dont a bénéficié l'album, mais aussi à la réputation de... dessinateur qui escorte Bravo depuis un certain temps.
L'invité d'honneur du festival BD à Bastia (du 2 au 5 avril) est généralement présenté comme l'un des héritiers les plus doués de la ligne claire franco-belge (trait noir, contours d'épaisseur régulière, couleurs en aplats...). Depuis Yves Chaland, mort dans un accident de voiture en 1990, rarement auteur avait rallié autant de suffrages parmi les inconditionnels de ce langage graphique porté aux nues par Hergé.
Une petite précision, cependant. Plus les années passent, et plus la ligne claire d'Emile Bravo perd de sa clarté. A ses débuts, son pinceau n'avait qu'une idée fixe : réaliser les pleins et déliés les plus parfaits qui soient. L'obsession pouvait le pousser à réaliser l'encrage sur un papier calque posé au-dessus des crayonnés. C'est en côtoyant d'autres auteurs réunis dans un atelier de la place des Vosges au milieu des années 1990 que ce Parisien né en 1964 a commencé à prendre ses distances avec les codes de la ligne claire.
Le contact des Joann Sfar, Emmanuel Guibert et Christophe Blain l'a en quelque sorte affranchi des contraintes existantes : "Quelle liberté ils avaient ! C'est en les voyant faire que j'ai pu me lâcher." La technologie est venue accompagner la mutation. Bravo utilise désormais un feutre pinceau dont il remplit à peine le réservoir, de telle sorte que l'encre crachée par l'ustensile s'étale de manière charbonneuse, faisant ressortir le grain du papier.
Alors, claire ou pas claire, cette damnée ligne ? L'affaire ferait une belle jambe à l'intéressé si celui-ci ne revendiquait pas un certain académisme. "Mon souci est de m'adresser au plus grand nombre de lecteurs. C'est pour cela que j'adopte des codes graphiques connus de tous. Tout le monde a lu au moins un Tintin une fois dans sa vie. Il faut savoir que, pour Hergé, la ligne claire n'a jamais répondu à une définition graphique, mais a toujours été un genre narratif dont la vocation est de mettre le dessin au service de l'histoire." Captiver son lecteur, ne jamais faire baisser son attention : tel serait finalement le seul credo de Bravo. "L'important, chez lui, est vraiment l'efficacité du récit, confirme Benoît Fripiat, son éditeur chez Dupuis. La BD sort actuellement d'une période où les auteurs et les éditeurs se sont beaucoup concentrés sur l'aspect graphique. On avait oublié qu'il fallait aussi raconter des histoires. Le succès d'Emile nous renvoie aujourd'hui à cette évidence."
L'efficacité, donc. Mais le refus de la mièvrerie également. S'il surnage aujourd'hui au milieu de l'abondante production d'albums pour jeunesse, c'est aussi que ce fils de réfugié espagnol (prénommé Emilio) a doté ses personnages d'une épaisseur psychologique peu commune. Grands ou petits, ceux-ci doutent, s'angoissent, tombent amoureux, se posent des questions métaphysiques, développent une conscience politique... Son Spirou est un modèle du genre. L'histoire se déroule en 1939. Encore adolescent, en pleine "révélation de soi", le petit groom est à l'aube d'un traumatisme personnel profond. L'imminence de la guerre s'apprête à le transformer en adulte féru d'humanisme. Présenté ainsi, le scénario peut sembler bien grave pour une BD jeunesse. Tout le contraire, nous démontre sur 63 planches Emile Bravo, dont la référence absolue en la matière est Maus, d'Art Spiegelman. "Un livre qui, tout en nous parlant de l'horreur (la Shoah), est aussi bien lisible par les adultes et les enfants."
Afin de se mettre à hauteur de ses lecteurs les plus jeunes, Spiegelman avait utilisé la technique de l'anthropomorphisation en remplaçant les êtres humains par des souris. Bravo, lui, truffe ses récits de rebondissements et de gags, dans la pure tradition franco-belge, mais aussi par goût pour le divertissement. On n'est pas pour rien fan de Lubitsch et de Monicelli. "Émile passait beaucoup de temps à détendre l'atmosphère à l'atelier des Vosges, se souvient Emmanuel Guibert. Cet humour naturel est aujourd'hui tangible dans son œuvre, tout comme l'ensemble des questions graves qui y apparaissent."
Un grand raconteur, en somme, qui faillit bien ne jamais le devenir. La BD n'a jamais été une vocation chez ce titulaire d'un bac E qui se destinait à embrasser mollement la carrière d'ingénieur. Voyant les dessins qui noircissaient les marges de ses cahiers, un copain lui dit un jour : "Tu devrais faire de la BD." "Je n'y avais jamais pensé", se souvient l'autodidacte. Ses parents ne s'opposeront pas au projet. Surtout pas son père - dessinateur à ses heures - qui lui lisait des albums quand il était petit et riait des passages que lui ne comprenait pas.
Son ambition n'est pas ailleurs aujourd'hui. "Créer de la complicité intergénérationnelle. La BD est un mode d'écriture fait pour les enfants. Je n'arrive pas à me dissocier de cette idée. Je lui attribue les mêmes vertus qu'au conte : apporter le doute chez l'enfant, le préparer à l'âge adulte", développe ce quadra, dont le paradoxe est de ne pas avoir de descendance et de ne pas en souhaiter. "Pour cause d'immaturité", affecte-t-il d'expliquer.
L'album auquel il travaille actuellement est une histoire de Jules, son héros adolescent abandonné en 2006 sur des questions existentielles autour de Dieu et de la paternité. Le suivant sera un Spirou : "Mais à condition que je trouve une bonne idée de scénario. Si je n'ai rien à dire, je ne vais pas ramener ma fraise, non ?" Comme disent les jeunes : c'est clair.
Source : Le Monde
Article de Frédéric Potet dans Le Monde, du 02.04.2009
Article de JC Loiseau pour télérama du 30 Juin 2007 - Ma maman est en Amérique...
Elle est
partie depuis pas mal de temps en Amérique, la maman de Jean, et elle a
même a rencontré Buffalo Bill... Cette mère absente
est au cœur d'un complot familial et amical destiné à cacher à ce
gamin de 6 ans une vérité autrement douloureuse. Jean Regnaud a été ce
petit garçon. Il se souvient. Émile Bravo, son ami et son
complice (ils ont déjà signé ensemble une remarquable série, Aleksis
Strogonov), illustre ces souvenirs. Autour de la jolie supercherie qui
explique le titre, ils déroulent un récit bourré
d'anecdotes, tissant le quotidien de Jean et de son petit frère. C'est
pétillant, touchant, drolatique.
Rien ne pèse mais tout est dit des émotions abruptes et des interrogations confuses de cet âge-là, au fil de courts chapitres évocateurs, mis en scène avec une limpidité inventive par Bravo, un dessinateur qui a toujours eu (voir sa fameuse série Jules) une magnifique connivence avec le monde de l'enfance.
Source : Télérama n°2998 du 30/06/2007
Article de Jean Claude Loiseau
Rien ne pèse mais tout est dit des émotions abruptes et des interrogations confuses de cet âge-là, au fil de courts chapitres évocateurs, mis en scène avec une limpidité inventive par Bravo, un dessinateur qui a toujours eu (voir sa fameuse série Jules) une magnifique connivence avec le monde de l'enfance.
Source : Télérama n°2998 du 30/06/2007
Article de Jean Claude Loiseau
jeudi 24 septembre 2009
Les aventures de Swartz et Totenheimer.... dans Ferraille illustré n°23
Récit complet, sur 2 pages, paru dans le magasine Ferraille illustré n° 23 de Juillet 2003.
Les aventures de deux nazis, Philémon et Franziskus… une parodie de la célèbre bande dessinée Blake et Mortimer.
Pour vous procurer ce magasine... Super marché Ferraille
Extrait de l’entretien du 28-05-2008 par Klare lijn où Emile Bravo aborde la création de ce mini récit.
Klare Lijn International : Il était bien pourtant question que vous repreniez Blake et Mortimer à un moment avec Joan SFAR ?
Emile Bravo : Oui mais je vais vous expliquer la chose. En fait, Joan et moi, on voyait ce qui était fait et on souhaitait montrer que c’était vain de reprendre ces personnages, que c’était une parodie de l’œuvre de JACOBS. Surtout moi parce que Joan a moins lu Blake et Mortimer quand il était petit. Du coup, on aurait fait un Blake et Mortimer pour montrer en fait qu’il était vain de faire cela. Une sorte de sabordage.
KLI : De sabotage ?
EB : Oui mais pas vraiment non plus. C’était une histoire superbe. C’était vraiment une façon de dire : « ce sont des personnages qui appartiennent à une époque, qui appartiennent à leur auteur, fichez leur la paix ! ». Aujourd’hui, ils sont trop en décalage par rapport à notre siècle. Encore une fois, c’est l’opéra de papier de JACOBS et c’est tout.
KLI : Et des bandes dessinées parodiques et satiriques dans le ton de Swartz et Totenheimer, « d’après les personnages d’Adolph HITLER », vous allez en refaire ?
EB : C’était justement pour aller le plus loin possible dans la parodie que je me suis permis de dessiner cette histoire pour le magazine Ferraille.
KLI : Vous aimez ce type de création un peu plus violent que ce que vous faites habituellement ?
EB : Oui, j’aime bien. Pour moi, Swartz et Totenheimer, ce n’est pas gratuit. Je me disais que ce serait drôle si au lieu d’avoir été créés par un belge, Blake et Mortimer l’avaient été par un vrai nazi. Avec Joan, on voulait mettre Blake et Mortimer en conflit parce qu’on sent bien parfois qu’ils n’ont pas vraiment le même point de vue. Dans notre récit, Blake collaborait avec un scientifique nazi juste après la guerre et Mortimer, avec son éthique, n’était pas d’accord. Quand Ferraille m’a sollicité, j’ai pensé à cela en me disant qu’on pouvait aller effectivement beaucoup plus loin en prenant pour postulat que, pour s’entendre entre eux, le scientifique et le militaire devaient être nazis tous les deux. Ensuite l’idée de les faire évoluer dans un camp d’extermination m’est venue tout logiquement.
….
KLI : On ne peut donc pas comparer votre reprise à celles de Blake et Mortimer par exemple.
EB : Cela n’a rien à voir. Pour moi Blake et Mortimer, c’est JACOBS. C’est vraiment une œuvre, des personnages de JACOBS alors que Spirou par FRANQUIN était déjà une reprise. C’est finalement ça la grosse différence. Pour moi reprendre JACOBS, c’est comme reprendre HERGE, cela n’a pas de sens. Je trouve vain de raconter l’avant Blake et Mortimer parce que la seule personne qui aurait pu raconter cela, c’était JACOBS. Ce qui n’est pas le cas pour le personnage de Spirou.
Si vous voulez continuer de lire cette longue interview, allez visiter le site : Klare lijn international
Les aventures de deux nazis, Philémon et Franziskus… une parodie de la célèbre bande dessinée Blake et Mortimer.
Pour vous procurer ce magasine... Super marché Ferraille
Extrait de l’entretien du 28-05-2008 par Klare lijn où Emile Bravo aborde la création de ce mini récit.
Klare Lijn International : Il était bien pourtant question que vous repreniez Blake et Mortimer à un moment avec Joan SFAR ?
Emile Bravo : Oui mais je vais vous expliquer la chose. En fait, Joan et moi, on voyait ce qui était fait et on souhaitait montrer que c’était vain de reprendre ces personnages, que c’était une parodie de l’œuvre de JACOBS. Surtout moi parce que Joan a moins lu Blake et Mortimer quand il était petit. Du coup, on aurait fait un Blake et Mortimer pour montrer en fait qu’il était vain de faire cela. Une sorte de sabordage.
KLI : De sabotage ?
EB : Oui mais pas vraiment non plus. C’était une histoire superbe. C’était vraiment une façon de dire : « ce sont des personnages qui appartiennent à une époque, qui appartiennent à leur auteur, fichez leur la paix ! ». Aujourd’hui, ils sont trop en décalage par rapport à notre siècle. Encore une fois, c’est l’opéra de papier de JACOBS et c’est tout.
KLI : Et des bandes dessinées parodiques et satiriques dans le ton de Swartz et Totenheimer, « d’après les personnages d’Adolph HITLER », vous allez en refaire ?
EB : C’était justement pour aller le plus loin possible dans la parodie que je me suis permis de dessiner cette histoire pour le magazine Ferraille.
KLI : Vous aimez ce type de création un peu plus violent que ce que vous faites habituellement ?
EB : Oui, j’aime bien. Pour moi, Swartz et Totenheimer, ce n’est pas gratuit. Je me disais que ce serait drôle si au lieu d’avoir été créés par un belge, Blake et Mortimer l’avaient été par un vrai nazi. Avec Joan, on voulait mettre Blake et Mortimer en conflit parce qu’on sent bien parfois qu’ils n’ont pas vraiment le même point de vue. Dans notre récit, Blake collaborait avec un scientifique nazi juste après la guerre et Mortimer, avec son éthique, n’était pas d’accord. Quand Ferraille m’a sollicité, j’ai pensé à cela en me disant qu’on pouvait aller effectivement beaucoup plus loin en prenant pour postulat que, pour s’entendre entre eux, le scientifique et le militaire devaient être nazis tous les deux. Ensuite l’idée de les faire évoluer dans un camp d’extermination m’est venue tout logiquement.
….
KLI : On ne peut donc pas comparer votre reprise à celles de Blake et Mortimer par exemple.
EB : Cela n’a rien à voir. Pour moi Blake et Mortimer, c’est JACOBS. C’est vraiment une œuvre, des personnages de JACOBS alors que Spirou par FRANQUIN était déjà une reprise. C’est finalement ça la grosse différence. Pour moi reprendre JACOBS, c’est comme reprendre HERGE, cela n’a pas de sens. Je trouve vain de raconter l’avant Blake et Mortimer parce que la seule personne qui aurait pu raconter cela, c’était JACOBS. Ce qui n’est pas le cas pour le personnage de Spirou.
Si vous voulez continuer de lire cette longue interview, allez visiter le site : Klare lijn international
mardi 22 septembre 2009
Interview d'Emile Bravo par Actes Sud
- C'est quoi être un auteur
de bédé ?
En fait, se sentir auteur de
bédé c'est quand on décide
d'en faire tout simplement. C'est tellement évident,
j'ai appris et compris que c'était vraiment
un métier en lisant le livre de Numa Sadul
et je me suis dit allons-y !. Après le bac,
j'ai pris une année sabbatique durant laquelle
j'ai fait une bédé de 70 pages, jamais
publiée, mais il y a eu une hésitation
de la part de Casterman, ce qui était plutôt
encourageant. Le simple fait que ce soit accepté
par mes parents, le simple fait d'avoir sa table,
de prendre sa feuille et de commencer à dessiner
etc, m'ont suffit et je me suis fait mon auto-formation,
je ne me suis servi de rien, pas de modèle
sauf l'histoire que j'avais en tête. Il fallait
surtout que ce soit le plus fluide possible. Je
la réutiliserai plus tard, quand ça
sera mieux digéré. C'était
l'histoire d'un gamin qui avait été
enrôlé dans les derniers mois de la
2e guerre, le summum du cauchemar pour un môme
et je l'ai exorcisé en faisant cette bédé.
Un truc dramatique, pas drôle, après
quoi j'ai préféré l'humour
aux choses sinistres.
- Votre premier livre publié
? :
C'est L'Ivoire, aux
éditions Magic Strip, dans la collection
Atomium, déjà avec Jean Regnaud, on
s'est dit : Allez amusons-nous, faisons un truc
drôle. Il y a donc eu cette proposition pour
une histoire de trente pages. En visionnant plusieurs
numéros de cette collection, j'ai constaté
qu'en règle générale, les trente
pages étaient rarement bien utilisées,
car sur un petit format, peu de pages, on se dit
qu'on ne peut pas raconter grand chose, du coup
la collection Atomium était quelque chose
de très graphique, au parti pris esthétique
et je me suis dit : non, racontons, faisons du texte.
J'ai toujours aimé les gens qui font du 4
bandes, les bédés 3 bandes, j'ai souvent
pensé que c'était de la fainéantise,
46 pages 3 bandes, je ne vois pas ce qu'on peut
raconter…
- Et la réception ?
Un succès commercial
impossible parce que c'était une toute petite
maison et un tirage à 1500 exemplaires, mais
un vrai succès d'estime dès la sortie.
Ça restait de la bédé traditionnelle
et j'ai été assimilé à
l'École Challand -qui venait de mourir et
à qui il fallait peut-être trouver
un successeur-- mais mon but n'était pas
de reproduire ce qu'il faisait. Ce qui m'intéressait,
c'était l'esthétique de son trait,
propre à ces années 40/50, très
beau, très souple -d'ailleurs avec Jules
j'y reviens- le dessin de l'époque avec l'esprit
d'aujourd'hui. Un décalage au vitriol qui
souligne nos pires côtés avec un dessin
d'une grande naïveté. Le Cimetière
des Éléphants où il parle
de colonialisme est très drôle, avec
ce dessin innocent à la Hergé, accompagné
de textes abominables, d'un racisme horrible, c'est
Tintin au Congo dans les années
80, on en rajoute. Le jeune Albert est
une œuvre majeure dans la bédé,
la plus philosophique et la plus noire que j'ai
jamais lue, les gens qui ont aimé Challand
ne l'oublient pas. Avec toujours ce trait naïf
des années 50 à la Franquin et des
idées terrifiantes sur soi. Ces paradoxes-là
posent des questions et c'est ce qui m'a paru intéressant.
Cette clarté dans le dessin, le côté
clair dans le sens épuré, mais aussi
dans le sens propre, très propre, avec derrière
une crasse monstrueuse. Ça m'a stimulé,
je me suis dit qu'il fallait continuer à
perturber avec cette idée qu'avait lancée
Challand. Mais c'est quand même quelque chose
d'assez impersonnel, c'est l'esprit de quelqu'un
qu'on reprend. Puis en faisant la rencontre de gens
comme Christophe Blain, on voit avec quelle liberté
ils travaillent et on se dit, voilà !
Cette école populaire de la bédé, des années trente à cinquante, a été complètement reniée quand la bédé a grandi, a fait sa crise d'adolescence. Tout est devenu grossier, exagéré dans les traits, c'est devenu du gros nez, quand on voit les personnages de Walttéry ou même de Franquin, ça dégénère, ça se laisse aller… Au départ, il y avait une super élégance, comme dans le trait d'Hergé. Mais il y a une évolution normale, le trait se lâche, éclate, ça devient presque grotesque comme un discours d'ado. On a laissé tomber la pureté du départ et je trouve bien d'y revenir. Ça m'est venu naturellement, et ça me semblait être un dessin super accessible, fédérateur, lisible des grands comme des plus petits. En épurant toutes les lignes, on va à l'essentiel, si on va à l'essentiel, on va à l'histoire. On ne se perd pas dans des détails, des décors trop fouillés, chaque dessin doit être au service de l'histoire, ce qui veut dire que les personnages faisant l'histoire sont souvent présents, et le décor est là uniquement quand il faut. Le décor n'apporte pas plus de réalisme, puisqu'on est dans l'histoire… j'aimais bien ce trait-là et je l'ai donc adopté. Tout ça pour dire que si je suis revenu à un truc simple -au départ, je me suis lancé dans la ligne claire beaucoup plus esthétisante, plus graphique emblématique des années 80-- c'est que je me sentais prisonnier de ce style et que j'ai rencontré des gens libres (Sfarr, Trondheim, Blain). Et auparavant il y a eu un grand choc dans ma vie, c'est Maus d'Art Spiegelman. C'est pour moi de la pure ligne claire, le texte et le dessin, tout va à l'essentiel.
Cette école populaire de la bédé, des années trente à cinquante, a été complètement reniée quand la bédé a grandi, a fait sa crise d'adolescence. Tout est devenu grossier, exagéré dans les traits, c'est devenu du gros nez, quand on voit les personnages de Walttéry ou même de Franquin, ça dégénère, ça se laisse aller… Au départ, il y avait une super élégance, comme dans le trait d'Hergé. Mais il y a une évolution normale, le trait se lâche, éclate, ça devient presque grotesque comme un discours d'ado. On a laissé tomber la pureté du départ et je trouve bien d'y revenir. Ça m'est venu naturellement, et ça me semblait être un dessin super accessible, fédérateur, lisible des grands comme des plus petits. En épurant toutes les lignes, on va à l'essentiel, si on va à l'essentiel, on va à l'histoire. On ne se perd pas dans des détails, des décors trop fouillés, chaque dessin doit être au service de l'histoire, ce qui veut dire que les personnages faisant l'histoire sont souvent présents, et le décor est là uniquement quand il faut. Le décor n'apporte pas plus de réalisme, puisqu'on est dans l'histoire… j'aimais bien ce trait-là et je l'ai donc adopté. Tout ça pour dire que si je suis revenu à un truc simple -au départ, je me suis lancé dans la ligne claire beaucoup plus esthétisante, plus graphique emblématique des années 80-- c'est que je me sentais prisonnier de ce style et que j'ai rencontré des gens libres (Sfarr, Trondheim, Blain). Et auparavant il y a eu un grand choc dans ma vie, c'est Maus d'Art Spiegelman. C'est pour moi de la pure ligne claire, le texte et le dessin, tout va à l'essentiel.
- Peut-on en deux mots définir
la ligne claire :
C'est un dessin au service d'un
texte, un texte au service d'un dessin avec une
fluidité et une lisibilité du début
à la fin de l'histoire, où rien n'est
gratuit. Pour moi Pratt, c'est un écrivain,
un dessinateur écrivain, je le compare souvent
à Kessel, plein d'aventures, de vrais personnages.
Il s'est servi de façon fantastique de la
bédé pour faire passer son truc. Puis
il y a eu Spiegelman, et j'ai compris que c'est
un mode d'expression à part entière.
Quand on lit Les Passagers du vent ado,
c'est une étape, mais aujourd'hui c'est illisible.
Ça correspond à un éveil, mais
ce n'est pas de la bédé adulte, où
l'on sent le monde intérieur très
riche des auteurs. L'auto-fiction, c'est un mélange
d'eux et du monde. Savoir où l'on en est
philosophiquement et psychologiquement. On a beaucoup
de choses à partager, ma définition
de la culture c'est le partage, l'échange,
qui vient du fond de nous-mêmes. Mais il faut
faire attention à ne pas trop se livrer tout
de même, mieux vaut digérer le tout
avant que ça sorte. J'ai l'impression de
faire des œuvres autobiographiques, mais digérées,
analysées. Forme d'expression toute simple,
la spontanéité c'est aussi ne pas
chercher à transformer nos émotions
comme le font beaucoup de scénaristes professionnels,
pas assez introspectifs. Les personnages, c'est
nous, ils sont partout à longueur de journée,
pas besoin de marginaux déjantés,
il faut aller chercher au fond de nous-mêmes,
on a tous mille personnalités, tous un peu
schizo, s'est bon de se laisser aller à la
folie de temps en temps, bon voilà il suffit
de puiser en soi-même la folie, la méchanceté,
celles qui nous font peur pour les exorciser. Il
y a beaucoup de naïveté chez les gens
de bédé, qui se pensent éthiquement
parfaits, mais on a toujours des côtés
hyper tordus. On a toute la gamme de l'humanité
en nous. Les personnages de bédé existent
tous dans la mesure où ce sont leurs auteurs,
ou des traits de caractère qu'ils ont puisés
chez les autres.
Tout est digestion dans la création. Ce qui fait la différence entre la bédé de création et la bédé de production pure.
Tout est digestion dans la création. Ce qui fait la différence entre la bédé de création et la bédé de production pure.
- Vous avez essayé d'autres
modes d'expression ?
En me lançant adolescent,
je pensais faire un jour un truc perso, sérieux.
Par ce biais, je pensais à l'enfance, qu'est-ce
qu'on leur donne à lire ? Les enfants d'aujourd'hui
lisent la même chose que leurs arrières
grands-parents, en ce sens la bédé
familiale est fédératrice, il y a
différents degrés de lecture qui développent
la sensibilité des enfants en voyant leurs
parents rire et les adultes s'accrochent à
ça. Il y a des choses qui me paraissent encore
aujourd'hui mystérieuses et je garde ce moyen
d'expression pour découvrir quel est ce mystère
que je ne comprenais pas étant enfant. L'enfant
fait travailler son cerveau en créant une
dynamique, un mouvement entre plusieurs cases. Il
y a aujourd'hui le phénomène Titeuf,
où c'est du gag, mais il n'y a pas de recul,
on reste enfant. À côté de ça,
il n'y a plus de grandes aventures, peut-être
Denis Lapierre, trop basé sur la bédé,
c'est l'histoire d'un gamin qui vit des aventures
à travers la bédé qu'il lit,
d'où un univers qui se mord la queue. Jules
vient de tout ça, en repensant à ma
fascination pour les sciences, ma passion pour l'astronomie,
j'ai découvert que l'on est fait de matière
venant du fin fond de l'univers, qui a été
façonnée dans des géantes rouges
et je me dis pourquoi les gens ne savent pas ça,
les conflits générés aujourd'hui
sont dus au fait que l'on ne sait pas qui l'on est,
on a un savoir commun atomique et moléculaire,
d'où l'idée qu'on puisse relativiser,
plus de nations, ça fédère.
L'art doit fédérer, on fait passer
une émotion, on s'identifie. Au départ,
la bédé a été créée
pour les enfants, donc il faut revenir à
ça, s'en servir pour éduquer, mais
éduquer ce n'est pas faire la morale, c'est
montrer les bases du savoir, poser des problèmes,
questionner, continuer à raconter aux enfants
des histoires, en rire et se questionner. Les autres
deviennent des entités, c'est déclencher
le plus tôt possible la crise existentielle
que l'on connaît tous.
- Pourtant vous abordez des thèmes très sérieux… Qui parle aujourd'hui du monde tel qu'il est ? N'y a-il pas moins de pression et de censure en bédé ?
C'est possible parce que la
bédé n'est pas prise au sérieux
! Marjane Satrapi a compris tout de suite la force
du support. Elle s'est sentie plus libre en faisant
de la bédé plutôt qu'un film
ou un livre, même avec la peur au début
de voir tomber sur elle une fatwa, puisqu'il s'agissait
de sa vie personnelle. Mais je lui ai dit qu'elle
n'avait pas à s'inquiéter, que c'était
de la bédé, juste de la bédé
… !
- Les thèmes que vous abordez, la mort…
C'est essentiel, la mort cellulaire
programmée c'est énorme, mais qui
sait exactement ce que c'est. De quoi suis-je fait,
pourquoi je vais mourir, arriver à comprendre
que l'entité particulière est prête
à mourir pour la totalité…Ce
qui m'énerve c'est que le monde des sciences
est dénigré aujourd'hui, le côté
mécanique est méprisé par les
gens d'esprit, c'est toujours le même souci
d'éducation pour moi dans la bédé,
la relativité, le clonage, la préhistoire…
On peut toucher les enfants, les sensibiliser très
jeunes, ils ont soif de tout ça.
- C'est presque de la bédé
métaphysique, votre programme…
Oui, mais pas tant que ça
finalement. C'est d'abord de la réalité,
ensuite on part sur la bédé, donc
on peut se permettre toutes les fantaisies, en me
basant sur une réalité qu'il est important
de divulguer. La bédé a été
créée pour les enfants au départ,
il y a des sujets fantastiques, la science, savoir
qui on est, où on va, c'est quand même
une sacrée aventure…Les enfants se
souviennent de choses qui les marquent, les adolescents
moins, mieux vaut parler à des enfants, concentrons-nous
sur l'enfance puisqu'elle est en prise directe avec
le monde adulte.
- Vos bédés sont-elles
de l'auto-fiction ?
Ah mais c'est moi quelque part
! En tout cas, c'est toujours lié à
mon enfance, les situations sont transposables dans
ma propre enfance, il faut que ce soit plausible
pour moi, il faut que j'y crois, je me mets dans
la peau d'un môme de 12/13 ans. Mes personnages
sont des synthèses de gens que j'aurais aimé
connaître, c'est aussi jouer, pas simplement
inventer.
- Comment s'est passée
la rencontre avec Blain, Sfar etc ?
C'est incroyable, on est arrivé
à l'atelier Nawak (Trondheim, D.Bauchard)
quasiment ensemble, une place se libérait
pour moi, Christophe Blain était à
peine en train de s'installer, Joan Sfar arriverait
3 semaines après et Emmanuel Guibert au bout
d'un 1 an. En découvrant Les Carnets
d'un matelot de Christophe, les croquis sur
son année de service militaire passé
dans la marine dont il a fait un livre superbe,
je me suis dit : voilà comment j'aurais aimé
dessiner si je savais dessiner. Puis Joann est arrivé
avec sa liberté d'expression et je me suis
dit qu'il fallait se lâcher, se libérer
d'un graphisme que j'avais adopté, qui me
venait de ma formation maquettiste-illustrateur,
la ligne claire se vendant bien en illustration
dans les années 80.
J'ai compris que la bédé
ce n'était pas le graphisme, c'est tout autre
chose, c'est l'histoire. Il faut que le dessin se
libère pour être réellement
au service de l'histoire.
Ensuite, il y a eu une symbiose
qui s'est créé au sein de l'Atelier
entre ces deux écoles, celle de Joann et
la mienne. J'ai un passé cartésien,
je viens du technique et chez moi on sent un catholicisme
latent, les choses sont judéo-chrétiennes,
il faut que ce soit carré. Je lui (Joann)
ai vendu le fait de construire une histoire, même
s'il ne l'adopte pas du tout, mais mon truc à
moi c'est très structuré, rien n'est
laissé au hasard, si l'histoire n'est pas
finie, je ne me lance pas dans le dessin. Comme
je vous le disais ça sort, le dessin est
là, ensuite je taille dedans, c'est souvent
très fluide, mais dans la structure il faut
que ça tombe pile-poil. Ce sont des rouages,
des petits mécanismes, il faut que ça
fonctionne de la 1e à la dernière
case et c'est un travail d'horloger en amont. Mais
qui ne m'empêche pas de m'exprimer. En fait
dans les dialogues, mon processus de création
est assez simple, je me lance, je joue, je me mets
en situation, mais dans le fil conducteur de la
structure, je fonctionne avec un chemin de fer.
Néanmoins le résultat final est le
même, soit on le prépare instinctivement
dès le départ, soit on le construit.
Mais pas laborieusement attention ! Je n'aime pas
le travail laborieux. Il faut se faire plaisir avant
tout.
En se retrouvant en atelier,
chacun avait sa vision, mais finalement tout se
complétait. On voulait tous dire la même
chose, s'exprimer et communiquer des choses aux
gens. Les nouveaux qui arrivent -je pense notamment
à Riad Sattouf- étaient coincés
dans l'univers sclérosé de la bédé,
c'est-à-dire une bédé de commande
avec un scénariste-producteur, un style réaliste,
des cadrages cinématographiques etc…
Riad est la première personne qui a su romancer,
raconter son époque, c'est un auteur contemporain
qui ne tombe pas dans le consensuel. On sent le
chaos de notre société dans les bédés
de Riad. Voilà un auteur ! Quelqu'un qui
parle de son monde, et qui le connaît bien
son monde. Ça a tout de suite collé
avec ces gens. Ça s'est fait naturellement.
Marjane a récupéré l'atelier des Vosges (anciennement l'Atelier Nawak ndlr) et voilà aussi un phénomène intéressant.
Avec Cizo et Winshluss, ils ont repris le magazine Ferraille (crée par Les Requins marteaux), dont le personnage, M. Ferraille, dénonce la société de consommation, et les dérives d'une bédé qui devient un empire commercial. Ils vont jusqu'au bout, par exemple ils ne veulent pas se faire éditer par de grandes maisons. Ils ont créé une expo d'art contemporain, Le Supermarché Ferraille, où tous les produits sont détournés via la bédé, on consomme en se marrant quoi ! C'est un concept détonant, super interactif et qui engendre un questionnement sur nous-mêmes. On a crée cette expo dans le monde de la bédé et pas dans le monde de l'art et on en est fiers… Il y a beaucoup d'autodérision dans le monde bédé, d'ailleurs comment peut-on faire de la bédé et se prendre au sérieux !
Marjane a récupéré l'atelier des Vosges (anciennement l'Atelier Nawak ndlr) et voilà aussi un phénomène intéressant.
Avec Cizo et Winshluss, ils ont repris le magazine Ferraille (crée par Les Requins marteaux), dont le personnage, M. Ferraille, dénonce la société de consommation, et les dérives d'une bédé qui devient un empire commercial. Ils vont jusqu'au bout, par exemple ils ne veulent pas se faire éditer par de grandes maisons. Ils ont créé une expo d'art contemporain, Le Supermarché Ferraille, où tous les produits sont détournés via la bédé, on consomme en se marrant quoi ! C'est un concept détonant, super interactif et qui engendre un questionnement sur nous-mêmes. On a crée cette expo dans le monde de la bédé et pas dans le monde de l'art et on en est fiers… Il y a beaucoup d'autodérision dans le monde bédé, d'ailleurs comment peut-on faire de la bédé et se prendre au sérieux !
- Le paysage éditorial vu par Emile Bravo ?
Sinistré ! À part
quelques productions, une nouvelle école,
qui apportent l'ère adulte (alors que la
plupart des bédé reste du domaine
de l'adolescence). Une bédé c'est
avant tout une histoire évidemment liée
au dessin, mais il faut avoir des choses à
dire. La bédé est plus proche du monde
littéraire que du monde graphique (peinture,
illustration…). Il y a beaucoup de productions
qui ne sont pas réellement de la bédé,
parce que la bédé porte en elle cette
idée de fluidité, d'indissociabilité
entre le texte et le dessin. Le marché se
porte bien grâce à des productions
comme 13, Largo Winch (story board
de cinéma, télé feuilletons),
j'ai des doutes quant à la noblesse de ce
métier. On est tombé bien bas, mais
je suis certain que la bédé puise
son lectorat dans un ghetto de gens, et ça
m'attriste. En resituant la bédé et
l'enfance, je place mon ambition, il faut prouver
aux parents qu'on a des choses intéressantes,
drôles et éducatives à leur
offrir et à partager avec leurs enfants.
Il faut se concentrer là-dessus, un dessinateur
de bédé se doit de se pencher sur
l'enfance.
On parle de bédé adulte, alors que ça n'existe pas, c'est de la bédé pour adolescent, la véritable bédé adulte est lisible pour les enfants. Maus est lisible par un enfant, c'est une certaine forme de violence, mais assez prude à travers l'animalisation, qui apporte une petite distance par rapport à l'intolérable.
On parle de bédé adulte, alors que ça n'existe pas, c'est de la bédé pour adolescent, la véritable bédé adulte est lisible pour les enfants. Maus est lisible par un enfant, c'est une certaine forme de violence, mais assez prude à travers l'animalisation, qui apporte une petite distance par rapport à l'intolérable.
- L'Association pour vous, ça représente quoi ?
Il faut se concentrer sur le livre, qui ne mourra
pas, jamais. Le papier, c'est essentiel, la bédé
c'est du livre et elle se développera ainsi
plutôt qu'en magazine.
Pour lire l'interview, allez visiter le site Positions, la revue en ligne d'Actes Sud
Propos recueillis par Thomas Gabison et Michel Parfenov
lundi 21 septembre 2009
Les frères Ben Qutuz à Frustration Land.... dans Ferraille illustré n°26
Récit complet, de 10 pages, paru dans le magasine Ferraille illustré n° 26 de Janvier 2005.
C’est une histoire sans parole où le texte est remplacé à l’intérieure des bulles par des rébus, facilement compréhensible.
Bien qu’il ne soit pas mentionné de lieu, on arrive quand même à localiser facilement l’histoire.
Quelque part dans la bande de Gaza, le duel entre les israéliens et les palestiniens se disputant l’occupation du terrain…
L’histoire dramatique de deux frères pris dans un combat qui n’est pas le leur, contraint d’y participer bien malgré eux et où l’issu leur sera fatale.
Émile Bravo, grâce à la magie du dessin, a su en quelques pages nous faire vivre le quotidien de ces gens…
N’hésitez pas à vous procurer ce magasine qui recèle pas mal d'autres petites pépites... Super marché Ferraille
C’est une histoire sans parole où le texte est remplacé à l’intérieure des bulles par des rébus, facilement compréhensible.
Bien qu’il ne soit pas mentionné de lieu, on arrive quand même à localiser facilement l’histoire.
Quelque part dans la bande de Gaza, le duel entre les israéliens et les palestiniens se disputant l’occupation du terrain…
L’histoire dramatique de deux frères pris dans un combat qui n’est pas le leur, contraint d’y participer bien malgré eux et où l’issu leur sera fatale.
Émile Bravo, grâce à la magie du dessin, a su en quelques pages nous faire vivre le quotidien de ces gens…
N’hésitez pas à vous procurer ce magasine qui recèle pas mal d'autres petites pépites... Super marché Ferraille
vendredi 18 septembre 2009
Joyeux anniversaire Émile Bravo !
Émile
Bravo fête aujourd’hui ses
44 ans. Pour lui 2008 est une excellente année. Son Spirou sorti pour
les 70 ans du toujours jeune héros mythique de la bande dessinée
franco-belge a unanimement été salué par la critique.
Dessinée est pour Émile Bravo un mode d’expression naturel qu’il manie depuis son plus jeune âge. Après avoir démarré comme maquettiste et illustrateur, il rejoint en 1992 l'atelier Nawak avec Trondheim, Blain, Sfar et David B. Il réalise Aleksis Strogonov sa 2e BD avec Jean Régnaud. Il crée son personnage Jules en 1999 pour le journal Okapi. Cette série s’installe de manière originale dans la BD jeunesse que les adultes adorent !
Vous pouvez lire la suite sur Paperblog
Publié le 18 septembre 2008 par Manuel Picaud
photo prise en avril 2008 à Bruxelles © Manuel F. Picaud / Auracan.com
Dessinée est pour Émile Bravo un mode d’expression naturel qu’il manie depuis son plus jeune âge. Après avoir démarré comme maquettiste et illustrateur, il rejoint en 1992 l'atelier Nawak avec Trondheim, Blain, Sfar et David B. Il réalise Aleksis Strogonov sa 2e BD avec Jean Régnaud. Il crée son personnage Jules en 1999 pour le journal Okapi. Cette série s’installe de manière originale dans la BD jeunesse que les adultes adorent !
Vous pouvez lire la suite sur Paperblog
Publié le 18 septembre 2008 par Manuel Picaud
photo prise en avril 2008 à Bruxelles © Manuel F. Picaud / Auracan.com
18 Septembre 2009!! ...Bon anniversaire Emile...
Émile Bravo fête aujourd’hui ses 45 ans.
L’année 2008 a été exceptionnelle grâce à son interprétation du mythe de Spirou sorti pour les 70 ans du héros de la bande dessinée franco-belge et unanimement salué par la critique et le public. Comme il l’avait confié dans une interview pour Auracan.com, il a repris ses autres projets et nous prépare un nouvel album de Jules qui fête cette année ses 10 ans...
La suite sur le blog de Manuel F. Picaud BD75011
L’année 2008 a été exceptionnelle grâce à son interprétation du mythe de Spirou sorti pour les 70 ans du héros de la bande dessinée franco-belge et unanimement salué par la critique et le public. Comme il l’avait confié dans une interview pour Auracan.com, il a repris ses autres projets et nous prépare un nouvel album de Jules qui fête cette année ses 10 ans...
La suite sur le blog de Manuel F. Picaud BD75011