Spirou fête ses 70 ans.
Après le retrait de l'irremplaçable Franquin à la fin des années
1960, nombre de dessinateurs se sont relayés pour faire (sur)vivre le
petit groom, avec plus ou moins de bonheur. Émile Bravo,
lui, ne se contente pas de broder de nouvelles aventures : il
réinvente le juvénile héros en apportant de subtiles réponses à de
fondamentales questions qui le taraudaient quand il était
enfant. Pourquoi Spirou est-il affublé de ce costume de groom ? D'où
vient l'indéfectible amitié qui le lie à Fantasio ?
Dans un flash-back formidablement inventif, Bravo imagine, le temps
d'une histoire à la fois limpide et astucieuse, le Spirou d'avant
Spirou. C'est un orphelin bruxellois qui travaille comme
groom au Moustic Hôtel, pendant l'été 1939. Là, d'étranges complots
se trament, où il est question de la guerre qui s'annonce. Il s'y trouve
mêlé malgré lui, et un reporter très pot-de-colle
nommé Fantasio n'arrangera rien à l'affaire... En dire plus serait
éventer la magie de cette relecture très fine et très personnelle qui,
pourtant, respecte, avec bonheur, et l'esprit et la
lettre de la mythique série.
Maître conteur, véritable sismographe de l'esprit d'enfance, mais
d'une enfance qu'il ne prend jamais à la légère, Émile Bravo jongle
entre comédie et gravité, avec la même aisance funambule qui
lui permet de distiller graphiquement une atmosphère d'époque sur un
tempo très moderne. Cet album fera date : il marque la splendide
renaissance (sans lendemain ?) d'un personnage qui s'impose,
ici mieux que jamais, comme le seul rival sérieux de Tintin à ce
jour.
Source : Télérama n° 3041 - 26 avril 2008
Article de Jean-Claude Loiseau
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