Publié le 13 décembre 2021 sur Télérama.fr
Le
grand talent d’Émile Bravo dans cette saga colossale – le quatrième et dernier
volume paraîtra au printemps prochain – consiste à rester au plus près de la
vie de tous les jours et de son personnage-titre. Afin de le voir évoluer,
poser les questions que personne n’ose verbaliser à cette époque, et ainsi
provoquer des dialogues d’une rare intelligence (mais très accessibles) en
bande dessinée. L’auteur montre ainsi avec subtilité que la plupart des
populations de l’Europe occupée n’étaient ni collaborationnistes ni
résistantes, mais simplement passives, et n’avaient d’autre objectif que de
survivre à court terme. Dès lors, les élans simplement humanistes de Spirou
finiront par en faire un héros, du moins aux yeux de ses proches compagnons.
Moins
portée sur l’action que l’épatante saga Les Enfants
de la Résistance, la série L’Espoir malgré tout partage néanmoins avec
elle sa documentation rigoureuse et un sens du rythme impeccable. Souvent drôle
et mordante, et parfois très émouvante, elle relève le défi de s’adresser à
tous les publics, à partir de 9 ans, malgré la dureté des sujets abordés
et la multiplicité de personnages adultes. Car au-delà du passionnant aspect
historique, elle parle de la vie, et de l’envie de vivre ensemble, entre
humains. À l’heure de la résurgence de discours extrêmes, en France et en
Europe, et de la tentation du révisionnisme de certains, cette œuvre intergénérationnelle
au discours clair et profond se révèle particulièrement salutaire.
Didier
Pasamonik
C’est sans
doute l’une des œuvres les plus importantes de la décennie qui fait la preuve
que l’on peut parler de la Seconde Guerre mondiale et de la Shoah en
renouvelant le thème. Elle est riche de ses sous-textes, par son universalité,
sa réflexion sur l’engagement, sur l’absurdité de la condition humaine et de la
création quand elle est confrontée aux totalitarismes. Le regard -éminemment
documenté- de L’Espoir malgré tout, en fait en quelque sorte un Maus de
la BD belge.
Émile Bravo, Le Spirou d’Émile Bravo : L’Espoir malgré tout - Troisième partie : “Un départ vers la fin”
Il a fait le choix de donner une différence d’âge aux deux héros. Spirou n’a pas l’âge requis pour être soumis au STO,
ce Service du Travail Obligatoire qui envoie les adultes
travailler en Allemagne. Fantasio a pu faire réaliser des papiers
le présentant comme un ouvrier indispensable sur place. On croise un
certain M. René, un peintre de renom. Les dialogues sont construits
et donnent une vision des situations, offrant des plages d’humour
bienvenues dans cette terrible ambiance.
La conception
graphique retenue par Émile Bravo prend en compte la période où se
déroulent l’histoire et le style alors employé dans les bandes
dessinées. On se rapproche de ces planches des années de guerre, du
Tintin des premiers albums. Les décors très présents, sont soignés,
détaillés et habillent avec brio les vignettes.
La mise en couleurs de Fanny Benoit privilégie les teintes sobres qui reflètent l’atmosphère pesante qui régnait.
La mise en couleurs de Fanny Benoit privilégie les teintes sobres qui reflètent l’atmosphère pesante qui régnait.
Un album qui remet en
mémoire les diverses péripéties vécues au niveau du peuple avec une
intrigue forte portée par un couple de héros dans un cadre inhabituel
pour eux.
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Une BD de Spirou pour raconter la Shoah aux jeunes
Dans ce train, Spirou croise un Hollandais, qui lui permet de comprendre l’ampleur de la situation.
« L’idée de se sauver ne vient pas à Spirou », insiste le dessinateur
avant d’ajouter que « ce sont les autres qui lui inspirent cette idée.
Il écoute ceux qui l’entourent. Heureusement, on croise dans notre vie
des gens lucides qui nous éveillent. Ça ne pouvait pas venir de Spirou,
car c’est un jugement d’adulte, de gens un peu éclairés. Spirou est
tellement ingénu. Il n’a pas de préjugé raciste. On découvre le monde à
travers lui. Il nous renvoie à nous-même et nous permet de nous demander
ce que nous aurions fait pendant la Seconde Guerre mondiale. »
En échappant au train pour Auschwitz, Spirou sauve deux enfants.
L’instant est héroïque, suivi par un moment de doute, où l’on croit l’un
des deux enfants morts.
« C’est toujours pour coller au réalisme », précise Émile Bravo, qui
voulait aussi aller avec cette scène à l’encontre des clichés du genre.
« Plonger d’un train en route dans une rivière, c’est assez courant
en BD. Ce qui me faisait rire, c’est qu’une rivière, ce n’est pas
forcément très profond. La scène est dramatique, mais il y a aussi de
l’humour. »
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"On ne peut pas l’envoyer
à Auschwitz": une BD de Spirou pour raconter la Shoah aux jeunes
"Émile Bravo, qui a
consacré près d'une décennie à cette ambitieuse et bouleversante évocation des
heures sombres du XXe siècle, veut "faire écho à notre monde
d’aujourd’hui", marqué par le retour du nationalisme. "Grâce à
Spirou, cette histoire ne disparaîtra pas des librairies. Quand on te donne un
personnage comme ça, il vaut mieux raconter quelque chose de fort, qui
transmette quelque chose qui aide à se construire. C'est important, plutôt que
d’utiliser Spirou pour raconter une nouvelle aventure. Il y en a déjà
tellement..."
Si les super-héros
américains ont souvent été utilisés dans le cadre de récits graves, les
personnages de la BD franco-belge sont le plus souvent restés extérieurs aux
grands événements du monde. En cela, le Spirou d'Émile Bravo n’est pas le
Spirou que l’on connaît. Dans ce monde plus sombre, plus violent, les
personnages inventés par Franquin - comme Zorglub - n’existent pas. "Je ne
reprends pas Spirou", précise Émile Bravo. "Je fais l’avant-Spirou.
C’est un peu différent. J’explique l’humanité de ce personnage qui était apparu
un peu brutalement dans les premiers albums."
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Spirou :
L’Espoir malgré tout et bientôt le dénouement
"Dans la Belgique sous
le joug de l’occupation allemande, les mois et les années passent au rythme des
convois de déportation et des amis arrêtés et massacrés... Une spirale de
violence qui emporte Spirou, ballotté entre candeur et volonté de lutter contre
l’injustice, et son ami Fantasio dont l’attitude frise souvent l’inconscience
et la bêtise. Ces deux personnages que tout oppose sont les témoins de la
magistrale fresque d’Émile Bravo sur la Seconde Guerre mondiale abordée du
point de vue de l’enfance."
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Spirou, l’espoir malgré tout
#3
"Tous publics, tour à
tour hilarante, terrifiante et bouleversante, cette série condense à la fois
des questionnements essentiels, des valeurs fortes et une parfaite narration de
bande dessinée.
Une grande, très
grande œuvre."
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"Spirou", le groom de l'hôtel
Moustic, né en 1938, et devenu aventurier après-guerre.
"Que se passe-t-il dans la tête de Spirou ?
C’est aussi la question que se
pose depuis plusieurs années Émile Bravo qui, en 2008, dans Le Journal d’un ingénu, se demandait pourquoi et
comment le jeune groom des années 1930 était devenu après-guerre l’aventurier
intrépide qu’on connaît. Eh bien, c’est la guerre, justement, qui nous l’a
changé. La guerre et l’amour ! Spirou retrouvera-t-il la jeune juive
polonaise qu’il a connue dans la Belgique occupée ? Rien n’est moins sûr.
La quête sera longue. Émile Bravo termine en ce moment le 4e volume de L’Espoir malgré tout.
’’J’essaie de rendre Spirou très philosophe face à la mort et la brutalité.
Si mon héros de BD doit montrer l’exemple, ce n’est pas dans la manière de se
comporter pendant une guerre, mais dans la façon dont il faut tout faire pour
que la guerre n’advienne pas. Émile
Bravo ’’
Émile Bravo lâchera Spirou en
1945, quand commence la première histoire longue du personnage, Il y a un sorcier à Champignac, dessiné par
Franquin."
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