Entretien du 28-05-2008 par Klare Lijn:
le site: Klare Lijn International
Avec Le journal d’un ingénu , Emile BRAVO nous offre
certainement le plus réussi des volumes publiés jusqu’à présent dans la
collection « Une aventure de Spirou et Fantasio par… ». La critique et
le public ne s’y sont pas trompés en réservant un accueil plus
qu’enthousiaste à cette bande dessinée.
Il est vrai que sa
pertinence, son intelligence, sa finesse, sa justesse, son humour, son
ironie, sa qualité graphique, sa narration maîtrisée… font de cette
bande dessinée une totale réussite qui peut être appréciée de 7 à 77
ans. En offrant un passé et une vraie psychologie à Spirou, en apportant
des éclaircissements à plusieurs zones d’ombres du personnage, Emile
BRAVO a créé un album qui va faire date et qui met la barre vraiment
très haut pour les futurs repreneurs du célèbre groom. Faut-il aller
jusqu’à dire comme certains qu’il a créé le seul Spirou qu’il fallait
faire ? On peut le penser mais n’anticipons pas et laissons les autres
auteurs en lice nous prouver leur capacité à créer un Spirou aussi
inventif et à apporter leurs visions personnelles du personnage.
Avec ce Spirou, Emile BRAVO, déjà bien connu pour la qualité de ses travaux en solo ( notamment Les épatantes aventures de Jules et ses récits pour enfants) ou avec son complice Jean REGNAUD (Les aventures d’Alexis Strogonov ou le très émouvant Ma maman est en Amérique…), confirme son statut d’auteur majeur de la bande dessinée contemporaine.
Compte
tenu des liens qui unissent l’auteur à la ligne claire franco-belge, un
entretien s’imposait. Je vous laisse le découvrir en remerciant Emile
BRAVO pour sa gentillesse et sa disponibilité.
Klare
Lijn International : A la lecture de votre Spirou, j’ai ressenti - et
je pense que de nombreux amateurs de ligne claire ont eu la même
impression – comme le sentiment d’une réparation par rapport à
l’injustice qui avait frappé CHALAND lorsque les responsables de Dupuis
l’avaient interrompu dans ses différents projets de Spirou dans les
années 80.
Emile BRAVO : C’est vrai. J’avais appris cette
affaire quelques années après et j’avais trouvé cela terrifiant. Comment
est-ce qu’on avait pu entraver CHALAND dans ses projets ? Comment
est-il possible que Le groom vert de gris ne soit jamais sorti ?
Les premiers crayonnés étaient magnifiques. L’idée était excellente. Je
trouve ce qui est arrivé à CHALAND vraiment dommage.
KLI : En me replongeant dans Les Inachevés de CHALAND publié par Champaka, j’ai d’ailleurs relevé pas mal de similitudes entre Le groom vert de gris et votre Journal d’un ingénu qu’il
s’agisse du contexte historique du récit, du cadre retenu avec le
Moustic Hôtel, des personnages avec la présence d’Entresol et l’arrivée
de stars dans l’établissement…
EB : Il y a de cela
effectivement de ça mais j’ai vraiment fait ce Spirou pour répondre
avant tout à ces questions qui me taraudaient quand j’étais gosse et qui
sont reprises en quatrième de couverture. Il est certain que CHALAND a
eu de l’influence sur moi. Quand j’ai commencé, je trouvais son style
merveilleux. Ce décalage entre son graphisme et le propos, c’était
hallucinant ! C’était la première fois que je voyais un truc aussi fort
et en même temps très accessible. Pour moi, CHALAND, c’est avant tout Le
Jeune Albert qui était l’un de mes livres de chevet . Je suis moins
convaincu par Freddy LOMBARD même s’il y a des chefs d’œuvre dans cette
série. La Comète de Carthage, c’est magnifique mais c’est aussi une
bande dessinée très très esthétique. Je me dis qu’il faut être initié
pour comprendre cet album. Je pense à ces lecteurs qui ne connaissent
pas la BD, qu’il faut amener à la BD.
KLI : Je trouve qu’il y a effectivement du Jeune Albert dans les bagarres d’enfants de votre Spirou qui rappellent d’ailleurs celles de votre ouvrage C’était la guerre mondiale paru chez Bréal. Il y a de la méchanceté, une certaine forme de cruauté qu’on ressent également chez CHALAND.
EB : Oui sauf que dans Le Jeune Albert, c’est beaucoup plus psychologique notamment pour le personnage d’Albert.
KLI : Votre dessin, quand vous débutez en bande dessinée, est quand même très influencé par celui de CHALAND.
EB
: Oui. Quand j’ai commencé, j’avais un trait qui s’apparentait au sien.
J’aimais bien ses pleins et ses déliés. Mais je n’étais pas assez
graphiste. C’est pour cela que peu à peu, je me suis détaché de ce trait
qui était quelque part très beau, très esthétique mais qui enlevait une
certaine liberté. En côtoyant en atelier les auteurs de la "nouvelle
vague" comme TRONDHEIM, SFAR, BLAIN,…je me suis rendu compte qu’il y
avait une liberté, une énergie dans leurs créations. Le problème du
graphisme de CHALAND, c’est qu’on sentait, par exemple, une jouissance
chez lui à faire un décor travaillé alors que pour moi, c’est vraiment
secondaire. J’essaye de me concentrer beaucoup plus sur le récit.
KLI : Est-ce que vous avez eu l’occasion de rencontrer Yves CHALAND ?
EB
: Malheureusement, je n’ai pas eu cette chance. En plus, c’est dommage
car cela aurait pu se faire. Quand j’ai fait mon Atomium, les gens du
Comptoir Magic Strip à Paris, rue Froment, allaient chercher des
planches chez CHALAND et ils voulaient me le présenter. Et puis il est
mort…
KLI : C’est vrai que finalement, vous débutez votre carrière au moment où la sienne se termine tragiquement.
EB
: C’est terrible ça ! C’est peut-être d’ailleurs pour cela que j’ai
continué à faire de la ligne claire pendant un temps. Je me disais «
non, non, ce n’est pas possible, il ne peut pas disparaître comme cela,
il faut occuper le créneau, ce décalage entre le dessin et le récit ».
Je trouvais ça assez fantastique et je me suis bloqué dessus pendant
quelques années.
KLI
: C’est vrai que si l’ on se penche sur votre dessin, on peut observer
une nette évolution depuis vos premières bandes dessinées, Ivoire, Biélo, Kino. Au départ, votre graphisme était très lisse et puis progressivement, surtout entre Kino et Tamo, avec le premier Jules, il devient moins net, moins…comment dire ?
EB
: Plus libre en fait. Avant je travaillais sur calque, j’utilisais un
pinceau, je faisais mes pleins et mes déliés, je dessinais sur de grands
formats… Et puis ensuite, en voyant les autres dessinateurs autour de
moi, la liberté qu’ils avaient, je me suis dit « non, non, il faut aller
vite ! ». En plus, tout le monde me le disait quand je faisais des
dédicaces. Je dessinais très vite et cela apportait beaucoup plus
d’énergie à mon trait. Je me suis dit qu’ils avaient raison et en
entamant Tamo, j’ai décidé qu’il fallait que je me libère, que j’aille
directement sur le papier, que je ne passe pas de temps sur le dessin,
sur l’encrage, le côté pénible.
KLI : Votre encrage est devenu très particulier avec un côté un peu charbonneux dans le trait.
EB
: C’est mon feutre-pinceau qui n’est pas chargé d’encre. En fait, ce
qu’on voit, c’est le grain du papier. Cela va vite, ce sont des coups de
pinceaux posés. Tac ! Tac ! Quand on ne s’attarde pas sur le dessin, on
ne sent pas le labeur et c’est beaucoup plus fluide. C’est là où il y a
quelque chose de beaucoup plus agréable et en tout cas de moins
statique.
KLI : Finalement comment qualifier votre dessin ? Ligne claire lâchée ?
EB
: Oui, c’est ça. Sachant que pour moi la ligne claire ce n’est pas une
définition graphique. Il me semble que dans ses entretiens avec Numa
SADOUL, HERGE affirme que, pour lui, la ligne claire ce n’est pas qu’un
graphisme mais un dessin épuré au service de la narration. Je me
souviens que cela m’avait marqué quand j’étais adolescent. J’étais tout à
fait d’accord. Textes et image sont indissociables.
KLI : Je
partage votre avis. Je dis souvent que la ligne claire, c’est raconter
une histoire clairement et proprement et il me semble en effet que vous
cherchez cette clarté dans vos créations.
EB : C’est
vraiment cela l’écriture de bande dessinée. Comme je le dis souvent,
c’est une forme d’écriture mais graphique. Pour moi, Maus d’Art
SPIEGELMAN, c’est de la ligne claire. C’est tellement fluide, tellement
parfait. Cela va à l’essentiel et puis c’est accessible au grand public
parce que ce n’est pas un trait compliqué. C’est pareil avec Marjane
SATRAPI, avec son dessin qui vient de sa culture orientale. Beaucoup
parlent de l’influence de David B mais en fait son trait, ce sont les
miniatures orientales. C’est très accessible. C’est très simple.
KLI
: Qu’est-ce qui fait que le jeune Emile Bravo quand il débute en bande
dessinée choisit la ligne claire pour s’exprimer ? Parce que vous aimiez
le classicisme en bande dessinée, une certaine esthétique du dessin… ?
EB
: Cela a vraiment commencé par le côté esthétique. Mais le classicisme
était aussi très important pour moi. Je me rendais compte à l’époque et
je continue d’ailleurs à le penser aujourd’hui qu’en fait, c’est un
trait qui est accessible à tout le monde, à l’ensemble des lecteurs et
pas simplement les lecteurs de BD. Tout le monde, dans sa vie, a au
moins ouvert un Tintin et sait lire une BD avec ce trait classique. En
fait, ce sont des codes de lecture hyper simples.
KLI : Le côté universel de la ligne claire.
EB : Oui, c’est vraiment cela. Absolument.
KLI : Si on entre dans le détail, vous êtes plutôt HERGE, plutôt FRANQUIN période 55-60 ?
EB
: Bien évidemment, j’ai toujours apprécié l’œuvre d’HERGE. Mais j’aime
aussi effectivement la fantaisie des créations de FRANQUIN dans les
années 50. Esthétiquement, au niveau du graphisme, je préfère de loin
cette période à celle des années 60-70 qui me paraît déjà trop
caricaturale, où l’on part dans le style gros nez, où l’on retrouve plus
le même trait élégant. C’est pareil pour les récits. Je préfère ses
premières histoires. A mon avis, FRANQUIN, c’est vraiment le jeune
rebelle qui au sortir de la guerre, à 20 ans, a eu envie de ruer dans
les brancards, d’exprimer quelque chose et cela se sent.
KLI :
En vous écoutant, je perçois une nette différence entre votre approche
de la bande dessinée et celle des auteurs de la génération précédente,
les auteurs de la ligne claire des années 80. Vous êtes indéniablement
plus préoccupé de narration que de beauté graphique. J’en veux pour
preuve que vous n’œuvrez pas énormément dans l’image proprement dite, la
publicité, l’illustration, l’affiche...
EB : Oui. Je me souviens d’ailleurs que c’est la première chose qui m’a préoccupé quand on m’a commandé Ivoire
dans la collection Atomium (réédité depuis aux éditions de la
Pastèque). Je me suis dit que 30 pages, ce n’était pas beaucoup mais
qu’il fallait raconter quelque chose, qu’il fallait densifier
contrairement à beaucoup d’albums où les dessinateurs utilisaient des
pleines pages, des doubles pages et développaient un travail vraiment
esthétique.
KLI : Est-ce que vous éprouvez une légitime fierté de figurer au catalogue de cette collection Atomium ?
EB
: Oh oui ! Carrément ! Imaginez, je devais avoir 25 ans et j’étais dans
la même collection que CHALAND, CLERC, TORRES ! J’aimais d’ailleurs
beaucoup TORRES. Je me sentais très proche de son approche du récit
d’aventures. Sa série Roco VARGAS m’attirait beaucoup. C’était
fantastique. D’ailleurs, je m’étais même rendu en Espagne pour le
rencontrer.
KLI : J’imagine que créer un Spirou est également une grande fierté. Comment Le Journal d’un Ingénu a t-il vu le jour ?
EB
: En fait, ce Spirou s’est fait très naturellement. Lorsque les gens de
DUPUIS sont venus me demander de créer mon Spirou en me donnant carte
blanche, la collection n’existait pas encore, l’idée m’est tout de suite
venue de leur dire : « écoutez, si je fais un Spirou, il est certain
que je ne ferai pas un album dans la continuité de ce qui a été fait
jusqu’à présent mais par contre, si cela ne vous dérange pas, j’aimerais
faire l’avant Spirou ». Ils ont trouvé mon idée tout de suite très
intéressante. Et puis j’ai continué à leur parler de ma vision du récit,
que ce serait bien d’avoir une histoire qui influe sur la grande
Histoire, d’utiliser le côté gaffeur de Fantasio en lui faisant
commettre la plus grosse gaffe du Monde… Tout de suite, cela les a fait
rire et je me suis dit que cela devait être finalement de bonnes idées.
KLI : Les éléments constitutifs du Journal d’un ingénu vous sont donc venus rapidement. La création chez Emile BRAVO est toujours aussi facile ou parfois plus laborieuse ?
EB
: Pour Spirou, je savais globalement où je voulais en venir. Mais je
cherche toujours à m’étonner quand je crée un récit. Si cela vient tout
de suite, je me dis que c’est trop évident. On prend vraiment du plaisir
en s’étonnant. Des fois, cela demande un petit peu de temps. En
moyenne, pour Spirou, j’arrivais à créer deux pages par jour. Vous
savez, il faut vraiment se concentrer sur l’orientation d’une page, sur
tous les dialogues et il ne faut pas dire n’importe quoi.
KLI : J’ai été surpris d’apprendre que votre Spirou avait été dessiné en 4 mois seulement.
EB
: J’essaye d’aller vite et de réaliser une planche par jour. Sachant
que le travail de conception, en amont, ce que j’appelle l’écriture m’a
pris deux mois. L’écriture est déjà dessinée. C’est ce qu’on peut voir
dans la version souple éditée par Dupuis pour les journalistes. C’est
comme cela que cela sort en fait de ma tête !
KLI : Vous produisez donc un premier jet qui mêle déjà textes et dessins.
EB
: Je ne peux pas faire autrement. En fait, quand je trouve les
situations, je les joue. Et quand je les joue, je les dessine en même
temps. Je suis dedans. Je suis en transe !
KLI : C’est ce que vous appelez votre écriture graphique ?
EB
: Exactement. Quand je crée une scène, je la vois bien et je la mets
tout de suite sur le papier. Ce qu’il y a de plus important dans un
récit, ce sont les expressions et les attitudes, le jeu d’acteurs.
D’ailleurs je remarque que les grands dessinateurs autour de moi, ceux
de la "nouvelle vague" dont je parlais précédemment sont tous de grands
acteurs. Quand ils racontent des anecdotes, ils jouent les rôles des
gens qu’ils ont croisés. Ce sont de vrais conteurs ! C’est pour cela que
c’est drôle. Je me rends compte que lorsque je raconte des histoires,
je me sens beaucoup plus à l’aise quand le dessin et le dialogue
viennent en même temps plutôt que lorsque je dois décrire les scènes par
écrit. Je dessine depuis tout petit. Cela a été mon premier mode
d’expression comme tout le monde d’ailleurs, comme tous les enfants sauf
que moi, j’ai continué. Je me souviens que tout petit, je dessinais des
histoires. Dès que j’ai appris à lire et écrire, j’ai intégré le texte à
mes dessins et tout cela me paraissait très logique. Et puis le dessin
est un langage universel. C’est pour cela que j’aime bien aussi créer
des bandes dessinées sans texte où je remplace les textes des bulles par
des pictogrammes.
KLI : Est-ce que vous aimez vous entourer d’avis extérieurs quand vous créez ?
EB
: Il m’arrive souvent, lorsque je veux créer, de m'isoler ou de partir
avec quelqu’un qui est également dans la création. Le plus souvent,
c’est Jean REGNAUD qui a toujours quelque chose à écrire. On va se
retirer dans une maison de campagne, on passe notre journée à écrire
chacun dans notre coin et le midi ou le soir, on se lit ce qu’on a fait,
ce qui permet de voir la réaction de l’autre.
KLI : Est-ce que Jean REGNAUD, votre partenaire de création sur la série Alexis Strogonov et Maman est en Amérique ou bien vos collègues d’atelier sont intervenus sur votre Spirou ?
EB : Non. Pas du tout.
KLI
: Faire du rétro pour votre Spirou, c’était un choix d’emblée ? Sans
connotation péjorative, je trouve que votre bande dessinée a un côté
vieillot très agréable avec notamment cette mise en couleurs un peu
datée.
EB : Cela ne m’a pas vraiment coûté. J’utilise les
mêmes codes pour Jules. Et puis, pour ce Spirou, l’ambiance rétro liée
au contexte historique ne me dérange pas car je me sens très à l’aise
dans cette époque là. Mais pour moi, ce n’est pas très différent de
Jules. Dans Jules, la toile de fond est scientifique. Là, elle est
historique mais ça garde toujours un petit côté humaniste dans le
propos.
KLI : Je trouve qu’on n’a pas suffisamment insisté sur la couverture vraiment très réussie du Journal d’un ingénu. Elle est vraiment d’une rare élégance par son minimalisme et sa clarté.
EB
: J’en ai marre du ghetto BD. Je veux que tout le monde lise de la
bande dessinée, qu’on sorte des codes BD. Je veux montrer que c’est un
livre. Pour cela, il faut que la couverture soit quelque chose d’assez
simple, de vraiment concis. Voyez en littérature, le titre, c’est très
important. Pour nous, écrivains graphistes qui nous exprimons aussi avec
le dessin, c’est le tout, le titre et l’image qui comptent et il faut
apporter une sobriété qui appelle le lecteur et pas simplement le
lecteur BD. Il faut sortir de la couverture pleine page, toujours très
chargée, souvent illisible pour celui qui ne lit pas de bandes
dessinées.
KLI : Pour quelqu’un qui ne fait pas beaucoup de pub, cette couverture est vraiment percutante !
EB
: Vous savez, de la publicité, j’en ai fait pas mal dans les années 80.
J’ai d’ailleurs commencé comme illustrateur. Je faisais de la pub très
ligne claire. A l’époque, cela marchait bien au niveau de
l’illustration. Il y avait du travail pour tout le monde notamment pour
ceux qui dessinaient ligne claire. Mais je ne réalisais pas de grosses
campagnes comme les a faites CHALAND.
KLI : Derrière
l’esthétique rétro de votre Spirou, il y a un ton très moderne mais qui
ne tranche pas avec la série. Vous savez doser juste ce qu’il faut.
EB
: Je suis un garçon bien élevé qui sait se tenir et bien se comporter !
J’essaye d’être accessible à tout le monde. La BD a évolué Le langage a
évolué. En fait, c’est bien d’introduire ce qu’on ne pouvait pas se
permettre avant car il y avait censure.
KLI : On sent quand même dans le ton de votre Spirou que vous êtes moins dans l’ironie, la parodie que CHALAND.
EB
: En fait, je pense surtout être moins cynique. Je crois certainement
plus dans l’homme. Il se peut que j’aie tort mais je n’arrive pas à
faire autrement. C’est peut-être lié à mon éducation judéo-chrétienne…
KLI
: Suite à plusieurs relectures de votre bande dessinée, je note que
vous prenez un malin plaisir à truffer votre récit de pas mal de détails
qu’on ne découvre pas forcément à la première lecture.
EB :
Vous savez, quand j’écris mes histoires, je cherche toujours les
différents degrés de lecture et il y a effectivement pas mal de choses
qui sont dissimulées. Quand j’étais au Lycée, j’adorais les explications
de textes. J’aimais fouiller dans un texte pour savoir ce que voulait
exprimer son auteur. Je me souviens avoir été surpris lorsque vers 12-13
ans, mon professeur m’a expliqué pour la première fois que l’auteur
avait en fait voulu signifier des choses dans son texte, qu’il fallait
replacer le propos dans son contexte historique, que telle phrase avait
un sens caché… Je trouvais ça génial, plein de codes. Quand j’ai
commencé à créer mes récits, je ne me suis donc pas gêné pour ajouter
des codes dans la narration mais aussi dans le graphisme puisque le
dessinateur a la chance de pouvoir également jouer là-dessus. C’est
drôle et très riche.
KLI : Le choix d’un travail sur quatre bandes avec de petites cases était une évidence pour vous ?
EB
: J’ai été élevé avec ça. Quand je lisais Tintin, Spirou…c’était du
quatre bandes alors je ne vois pas pourquoi je ferais du trois bandes.
En fait, je sais très bien pourquoi un dessinateur fait du trois bandes.
Beaucoup disent : « oui comme ça, c’est plus aéré ». C’est surtout
parce que cela va plus vite, que ça permet de réaliser des pages plus
rapidement et de gagner plus facilement de l’argent ! Je le dis en
plaisantant mais il y a du vrai là-dedans. En ce qui me concerne, j’aime
quand le récit est dense et je n’aime pas les cases gratuites. HERGE
disait cela d’ailleurs et je l’avais retenu. S’il y a une case
verticale, c’est qu’elle sert à quelque chose, qu’on a besoin de montrer
une hauteur. Il faut utiliser les cases vraiment à bon escient.
KLI : La taille de la case limite aussi la taille des décors et recentre sur la représentation des personnages.
EB
: Bien sur. Il y a cela aussi. Puisque mon propos, c’est plus récit, ce
n’est pas la peine d’avoir des décors. Encore une fois, le décor est
nécessaire quand il s’agit de présenter quelque chose sinon ce n’est pas
utile. Quand on observe les décors de Tintin, on peut souvent remarquer
qu’il n’y a pas de décor derrière et c’est tant mieux. C’est pour cela
que c’est aussi très lisible. Si on commence à chaque case à tout
dessiner, cela peut parasiter la lecture.
KLI : J’ai été
particulièrement frappé par l’énergie qui se dégage de vos personnages.
Si je prends par exemple cette scène de la deuxième bande de la planche
19 où Fantasio, fuyant Spirou qui le poursuit, fait brusquement
volte-face à la vue d’Entresol, pour tomber dans les bras de celui qui
le pourchassait. Quel rythme ! On dirait presque du dessin animé.
EB
: Ca, c’est FRANQUIN. Il m’a appris le mouvement. C’est fantastique
comme les dessins de FRANQUIN bougent si on les compare à ceux d’HERGE
qui sont bien sur très réussis mais qui sont beaucoup plus statiques.
Les dessins de Franquin sont vraiment animés. C’est vraiment une
écriture animée.
KLI
: L’apparition de Fantasio en bas de planche 8 est également très
réussie. Il y a une ambiance, un jeu d’acteur, on se croirait presque
dans Le troisième homme…
EB : J’ai écrit tout le récit en pensant à To be or not to be de
LUBITSCH. C’est un film superbe. J’adore les comédies dramatiques, ,
les cinéastes qui me font rire et pleurer à la fois, CHAPLIN, Mario
MONICELLI…
KLI : Avec ce type de références, j’en viens à me demander si vous n’êtes pas quelque part un grand nostalgique ?
EB
: En fait, j’ai grandi avec des parents très âgés qui m’ont apporté
leur culture, celle des années 30, 40, 50 et cette culture là, elle fait
partie de moi.
KLI : Je suis un peu surpris par vos liens
avec la « nouvelle bande dessinée » parce que je vous trouve quand même
plus dans le classicisme que dans les expérimentations de L’association.
EB
: Oui bien sur mais l’Association devait exister pour apporter d’autres
codes. Grace à eux, on est sorti de la bande dessinée complètement
sclérosée des années 80-90. A l’époque où l'Association s’est créée, on
ne pouvait rien faire, il n’y avait aucune liberté. Les gens qui
s’occupaient de la BD étaient hyper sectaires. En plus, c’était de la
bande dessinée pour adolescent attardé, la BD de cul,… D’ailleurs, je
considère que tous les vieux classiques sont beaucoup plus murs que
toute cette BD pour adultes dont on nous a tannés pendant des années.
Avec l’Association, une autre bande dessinée est arrivée, celle que je
préfère, beaucoup plus mure, peut être plus élitiste mais qui a donné
des créations comme Persepolis qui a touché tout de suite un
lectorat qui n’est pas le lectorat habituel de la bande dessinée. Je
trouve ça vraiment intéressant. Et puis, vous savez, à l’Association,
ils aiment eux-aussi CHALAND.
KLI : En effet, Jean-Christophe MENU est un grand admirateur de CHALAND.
EB
: C’est clair. Je lui disais dernièrement que le problème de
l’Association c’est peut-être de ne pas avoir également voulu faire de
la jeunesse. Il fallait continuer de parler aux enfants mais d’une autre
façon, de la même façon qu’eux se sont adressés aux adultes avec de
nouveaux codes. Il fallait montrer aux enfants qu’il y avait une autre
bande dessinée intelligente pour eux. C’est du moins mon avis.
KLI
: C’est vrai que dans vos différentes créations, vous manifestez
toujours un attachement à la jeunesse. C’est une vraie constante dans
votre travail.
EB : C’est lié à mon enfance. Je ne peux pas
me dissocier de cela. Cela m’a apporté beaucoup et j’ai envie de faire
passer quelque chose.
KLI : J'imagine que c'est pour cela que vous oeuvrez aussi beaucoup dans l'édition jeunesse, chez Bayard notamment.
EB
: J'aime bien travailler pour l’édition jeunesse car je cherche avant
tout à toucher les enfants. Je déplore vraiment qu’il y ait un tel fossé
entre le monde de la bande dessinée et le monde de la jeunesse. C'est
pour cela que j’essaye de créer des passerelles, de relier les deux
univers. D'ailleurs, au niveau graphique, je trouve que l'édition
jeunesse est souvent plus intéressante que la bande dessinée.
KLI
: J'en parlais avec Olivier SCHWARTZ dans un entretien publié sur ces
pages. Il est manifeste que les auteurs pour la jeunesse ne sont pas
suffisamment reconnus alors qu’il y en a vraiment de très talentueux.
Des créateurs comme Marc BOUTAVANT par exemple.
EB : Marc
travaille dans mon atelier ! A mon avis, c'est le meilleur illustrateur
que l’on ait actuellement. Il est connu et reconnu aux Etats-Unis, en
Angleterre, au Japon... comme étant un très grand. Sa bande dessinée Ariol
est fantastique mais c’est méconnu. Quand je regarde ses illustrations,
je reste cloué. J’adore son travail. On n’en parle pas assez.
KLI : Qui cotoyez vous actuellement dans votre atelier ?
EB
: Des illustrateurs essentiellement : Delphine CHEDRU, ma coloriste qui
est également illustratrice jeunesse, Christian BRUN et des jeunes
illustrateurs. Nous ne sommes que trois à faire de la BD en plus de
l'illustration : Manu BOISTEAU qui travaille beaucoup pour Bayard, Marc
BOUTAVANT et moi.
KLI : Finalement, on peut dire que vous chercher à dépasser les frontières du milieu un peu fermé de la bande dessinée ?
EB
: Exactement. Je participe depuis trois ans au Jury du festival Quai
des Bulles de Saint Malo récompensant des scénaristes. On essaye de
faire découvrir des gens et ce n’est pas évident. Lors de la dernière
édition, avec Etienne DAVODEAU qui est lui aussi très intéressé par ce
qui se passe à côté, nous avons remis un prix à Bruno HEITZ, un très
grand dessinateur et conteur qui n'est malheureusement pas vraiment
compris par le monde de la bande dessinée car son dessin sort des codes
BD, parce qu'il met également son talent au service de l'illustration,
de la littérature jeunesse... Je considère que la bande dessinée devrait
s'inspirer de la richesse de l'édition jeunesse. Il faut ouvrir le
milieu de la bande dessinée ! Il faut que cela bouge !
KLI : Pour toucher un nouveau public.
EB
: Autour de moi, vous savez, tous mes amis ne lisent pas de BD. Quand
ils lisent mes livres et me disent après qu’ils trouvent ça bien, je
prends un malin plaisir à leur faire remarquer qu’ils viennent de lire
de la bande dessinée ! Je dis souvent aux éditeurs qu’ils ne sont pas
très ambitieux parce qu’ils s’arrêtent à leurs dizaines ou centaines de
milliers de lecteurs - qui font certes tourner une industrie – alors
qu’il y a quand même des millions de lecteurs dans ce pays. Je suis
désolé mais c’est quand même dommage d’être ghettoisé à ce point et de
ne même pas avoir accès aux librairies généralistes. C’est dur !
KLI : C’est aussi le problème des espaces exclusifs que sont libraires spécialisés dans la bande dessinée.
EB
: Il y a cela aussi. L'essentiel de mon public ne va pas dans les
librairies spécialisées. Mon public est familial et il ne va pas dans
ces lieux là.
KLI : J'imagine que vous vous inscrivez totalement dans la nouvelle formule du journal Spirou portée par Frédéric NIFFLE ?
EB
: Je connais Frédéric depuis très longtemps. Il est graphiste à la base
et a toujours été intéressé par l’illustration. Il veut apporter du
sang neuf, un nouveau regard. Je sais qu’il avait été vraiment conquis
par l’aventure de Capsule Cosmique portée par Gwen de BONNEVAL et
Stéphane OIRY qui allaient chercher des auteurs dans le milieu de
l’illustration. Il y avait là un souffle nouveau et Frédéric NIFFLE
essaye de faire connaître tous ces gens dans Spirou. Il va le faire
progressivement mais je trouve que le nouveau Spirou est déjà mille fois
plus intéressant que l'ancien. La nouvelle maquette est vraiment
réussie. Les couvertures d’Hugo PIETTE pour le premier numéro étaient
vraiment superbes. La Galerie des illustres, cette rubrique où l'on va
essayer de faire connaître des auteurs qui ne sont pas des auteurs
Dupuis, est vraiment excellente.
KLI : Vos travaux pour la
jeunesse éparpillés dans diverses publication seront-ils un jour
compilés pour le bonheur de vos admirateurs qui sont peut-être passés à
côté de beaucoup d'entre eux ?
EB : Je ne sais pas. En tout cas, rien n'est prévu pour l'instant. Peut-être qu’un jour, on en fera quelque chose.
KLI : J'observe que dans vos bandes dessinées orientées vers la jeunesse, vous ne développez jamais un ton trop enfantin.
EB
: J’ai appris avec cette bande dessinée. Quand je ne savais pas lire,
mon père me lisait mes albums. Comme cela lui plaisait de les lire, je
me disais : « chouette, cela n’a pas l’air si nul que ça, cela n’a pas
l’air d’être uniquement pour les enfants ». Puis je le voyais rire à des
passages pour lesquels je ne comprenais pas pourquoi il riait. Je me
disais : « c’est génial, il y a un mystère là-dedans ». Et puis cela
créait de la complicité entre nous. C’est pour cela que j’ai toujours
trouvé la bande dessinée intergénérationnelle vraiment magique. Pour
moi, c’était cela avant tout la grande richesse de la BD, ces différents
niveaux de lecture. Cela a quand même été créé d’abord pour les enfants
mais cela peut aussi parler aux adultes.
KLI : L’album emblématique c’est peut-être Les bijoux de la Castafiore avec différentes perceptions à différents âges.
EB : Je vois pourquoi vous dites cela. C’est un huit clos aussi. C’est un très grand album. C’est clair.
KLI : A ce sujet, quel est votre album ligne claire préféré ?
EB : J’avoue que j’ai un petit faible pour Tintin au Tibet parce qu’il y a une pureté là-dedans.
KLI : Dans votre
Spirou, il y a bon nombre de références à Tintin. Vous n’avez pas eu de
problèmes avec les responsables des Studios HERGE ?
EB :
Non. Pour moi, c’est vraiment un hommage. Finalement qu’est-ce que j’ai
fait ? J’ai transposé Spirou dans le réel en me disant qu’un jeune
garçon des années 30 connaissait vraisemblablement Tintin. En plus, je
me suis dis que Spirou avait été très certainement élevé chez les
Jésuites, qu’il lisait donc le Petit XXème qui devait être en
circulation et qu’il devait donc s’identifier à Tintin. Il n’y avait pas
beaucoup de héros à qui s’identifier à cette époque là en Belgique. En
fait, je fais référence à Tintin en tant que personnage de bande
dessinée comme nous le connaissons. Et Spirou, quand il s’habille en
Tintin, il le fait complètement inconsciemment. Quand il achète ce
pantalon de golf, il le fait sans se rendre compte que cela va faire de
lui un Tintin.
KLI : Il n’y a pas de Tintin en préparation de votre côté ?
EB
: Vous savez bien qu’on ne peut pas y toucher et puis même si on me le
proposait, je ne le ferais pas. C’est toucher l’œuvre d’un auteur. A ce
sujet, je trouve que les éditeurs se trompent souvent sur la définition
d’une bande dessinée. C’est encore trop relié au dessin alors que, comme
je vous le disais, pour moi, c’est avant tout une écriture graphique.
KLI : Il était bien pourtant question que vous repreniez Blake et Mortimer à un moment avec Joan SFAR ?
EB
: Oui mais je vais vous expliquer la chose. En fait, Joan et moi, on
voyait ce qui était fait et on souhaitait montrer que c’était vain de
reprendre ces personnages, que c’était une parodie de l’œuvre de JACOBS.
Surtout moi parce que Joan a moins lu Blake et Mortimer quand il était
petit. Du coup, on aurait fait un Blake et Mortimer pour montrer en fait
qu’il était vain de faire cela. Une sorte de sabordage.
KLI : De sabotage ?
EB
: Oui mais pas vraiment non plus. C’était une histoire superbe. C’était
vraiment une façon de dire : « ce sont des personnages qui
appartiennent à une époque, qui appartiennent à leur auteur, fichez leur
la paix ! ». Aujourd’hui, ils sont trop en décalage par rapport à notre
siècle. Encore une fois, c’est l’opéra de papier de JACOBS et c’est
tout.
KLI : Et des bandes dessinées parodiques et satiriques dans le ton de Swartz et Totenheimer, « d’après les personnages d’Adolph HITLER », vous allez en refaire ?
EB
: C’était justement pour aller le plus loin possible dans la parodie
que je me suis permis de dessiner cette histoire pour le magazine
Ferraille.
KLI : Vous aimez ce type de création un peu plus violent que ce que vous faites habituellement ?
EB : Oui, j’aime bien. Pour moi, Swartz et Totenheimer,
ce n’est pas gratuit. Je me disais que ce serait drôle si au lieu
d’avoir été créés par un belge, Blake et Mortimer l’avaient été par un
vrai nazi. Avec Joan, on voulait mettre Blake et Mortimer en conflit
parce qu’on sent bien parfois qu’ils n’ont pas vraiment le même point de
vue. Dans notre récit, Blake collaborait avec un scientifique nazi
juste après la guerre et Mortimer, avec son éthique, n’était pas
d’accord. Quand Ferraille m’a sollicité, j’ai pensé à cela en me disant
qu’on pouvait aller effectivement beaucoup plus loin en prenant pour
postulat que, pour s’entendre entre eux, le scientifique et le militaire
devaient être nazis tous les deux. Ensuite l’idée de les faire évoluer
dans un camp d’extermination m’est venue tout logiquement.
KLI : En quoi votre Spirou peut-être différencié d’une reprise ? Le fait que le héros soit déjà passé entre plusieurs mains ?
EB
: Il y a cela déjà mais aussi le fait qu’il puisse être considéré comme
un produit parce que Spirou, c’est avant tout la mascotte du Journal
qui porte son nom. Mon propos au départ était de dire que je ne voulais
pas m’inscrire dans le travail de FRANQUIN, faire une reprise du travail
de FRANQUIN parce que l’univers de la bande dessinée souffre beaucoup
d’idolatrie. C’est jamais très bon l’idolatrie ! Il me paraissait que la
seule chose intéressante à faire avec SPIROU, c’était de s’inscrire
dans l’avant FRANQUIN.
KLI : Pour boucher un vide et apporter des éclairages sur le passé du personnage ?
EB : Exactement. Je suis d’ailleurs étonné d’être le premier à y avoir pensé !
KLI : On ne peut donc pas comparer votre reprise à celles de Blake et Mortimer par exemple.
EB
: Cela n’a rien à voir. Pour moi Blake et Mortimer, c’est JACOBS. C’est
vraiment une œuvre, des personnages de JACOBS alors que Spirou par
FRANQUIN était déjà une reprise. C’est finalement ça la grosse
différence. Pour moi reprendre JACOBS, c’est comme reprendre HERGE, cela
n’a pas de sens. Je trouve vain de raconter l’avant Blake et Mortimer
parce que la seule personne qui aurait pu raconter cela, c’était JACOBS.
Ce qui n’est pas le cas pour le personnage de Spirou.
KLI :
Vous donnez encore plus de détails sur le passé de notre groom préféré
dans le récit publié dans le numéro du 70ème anniversaire du Journal
Spirou. On peut d’ailleurs regretter a posteriori qu’il n’ait pas été
repris avec le Journal d’un Ingénu.
EB : J’en ai parlé avec
l’éditeur. Je trouvais que c’était hors propos car c’était juste un
petit préambule autour du nom de Spirou. Mais peut-être qu’il sera
publié un jour.
KLI
: L’accueil critique réservé à votre Spirou est très favorable.
J’imagine que c’est également une réussite d’un point de vue commercial ?
Je
suis vraiment étonné par l’engouement des lecteurs mais je suis bien
évidemment aux anges. C’est ça mon but, toucher un maximum de lecteurs.
Ce n’est vraiment pas pour gagner de l’argent ! C’est pour ce soit lu et
pour donner une autre idée de la bande dessinée. Je pense que les gens
ont des a priori parce qu’ils pensent que la bande dessinée se résume à
une certaine forme de bande dessinée. Je suis vraiment heureux
d’entendre des libraires me dire qu’ils sont contents que mon Spirou se
vende bien parce que cela montre qu’il existe une autre forme de bande
dessinée.
KLI : Vos prochains projets ?
EB : Il
faut que je m’occupe de Jules, mon enfant à moi, parce que cela fait
plus de deux ans, que je n’ai pas travaillé sur cette série. En fait,
j’ai une idée pour Jules. Tant que je n’ai pas l’idée, je n’attaque pas.
Il faut toujours laisser murir. Et puis j’ai proposé à Dupuis de donner
une suite à mon Spirou parce qu’après le Journal d’un Ingénu, c’est la
guerre, l’occupation, une période qui m’a toujours passionné. Je vais
laisser reposer tout cela en essayant de garder la tête froide.
KLI : Le Journal d’un Ingénu ne sera donc pas, pour reprendre ce terme barbare, un « one-shot ».
EB : Non, il y aura un « second-shot » !
KLI : Un Jules et un Spirou dans la foulée, beau programme ! On a hâte de les découvrir !
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