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jeudi 20 août 2009

Portrait sur le JDD.fr du 31/01/2009


"Les éditions Dupuis m'ont contacté. J'avais une totale carte blanche, aucune charte graphique imposée. J'avais lu Spirou, je suis un grand fan de Franquin, j'ai donc accepté". A entendre, Emile Bravo, l'auteur du magnifique Journal d'un ingénu, dans lequel il invente une jeunesse au célèbre groom, tout paraît évident, simple et fluide. "La seule solution, c'était de faire l'avant-Franquin, pour ne pas le trahir, de répondre aux questions que l'on se pose enfant. Comment un groom devient aventure? Pourquoi garde-t-il son costume? Comment est née son amitié avec Fantasio? Je suis cartésien et, gamin, il fallait que tout s'explique. Bon, Milou qui parle, c'est un chien, je peux comprendre. Un rongeur comme Spip l'écureuil, en revanche, je ne savais pas d'où venait cette conscience?"
Le début de la Seconde guerre mondiale était un terrain propice pour donner les clés à la création d'un personnage devenu mythique. Le sujet passionne Emile Bravo, qui avait déjà abordé la période dans C'était la Guerre Mondiale, aux éditions Bréal. Mêmes les références à Tintin, clins d'?il savoureux dans l'album, s'inscrivent dans la logique interne du récit. "Pour moi, Spirou est réel, Tintin est un personnage de bande-dessinée. Comme il est orphelin, il s'identifie au héros de ses lectures, jusqu'à prendre ses vêtements inconsciemment". La pirouette finale est, quant à elle, une double métaphore sur l'ouverture au monde, thème qui colle aux histoires d'Emile Bravo.
"La bande-dessinée est une calligraphie"
Après le succès critique et public rencontré par cette première immersion dans l'univers de Spirou, stoppée à l'orée du second conflit mondial, Bravo le pédagogue ne compte pas s'arrêter en si bon chemin. Il ambitionne désormais de faire traverser la plus sombre tragédie du XXe siècle à ses héros. "C'est une période qui m'intéresse beaucoup, mon héros a pris conscience, maintenant il doit agir. On n'a pas tous été résistant sous l'Occupation, on avait peur. C'est intéressant de montrer ça à des enfants. C'est une comédie dramatique, rien de tel que pour montrer des idées", explique-t-il. Il a un atout dans sa manche, le personnage de Fantasio, un "Zazou excentrique", sous le trait de Franquin, qui se permet tout et n'importe quoi. Jamais, en revanche, il ne reprendra le fil d'une série, par respect pour les auteurs du passé. Adepte de la ligne claire, Emile Bravo adapte l'adage d'Alfred Hitchcock à la bande-dessinée. "Ce qui est important, c'est l'histoire", soutient-t-il. "La bande-dessinée est une calligraphie. Il est important que le dessin reste lisible pour ne pas nuire à la compréhension. Plus les codes sont simples, plus ils sont compréhensibles."
Pour lui, il ne doit pas y avoir de frontières, de séparation marquée entre la littérature enfantine et celle destinée aux adultes. "Lire une BD peut être une expérience partagée, avec l'enfant sur les genoux de son père. Le dessin est une écriture universelle, on n'a presque pas besoin de savoir lire les bulles", explique un auteur révolté par la tendance actuelle des produits standardisés pour ados attardés. Et Emile Bravo de citer deux ?uvres qui ont justement réussi à concilier une forme accessible à un vrai fond, Maus d'Art Spiegelman, sur la Shoah, et Persepolis de Marjane Satrapi, récit sur la dictature iranienne qui touche aussi bien les enfants que les parents. Il aurait pu facilement ajouter son Journal d'un Ingénu, une aventure de Spirou qui évoque la montée du nazisme en Europe, sans jamais oublier le plaisir de la lecture. Du grand art et un seul mot. Bravo.
Spirou: Le Journal d'un ingénu d'Emile Bravo, Dupuis
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Rédaction JDD  Samedi 31 Janvier 2009

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