Interview du mois d'Avril 2002
Début juin, après sa prépublication dans le magazine Okapi, le tome 3
des Épatantes aventures de Jules - Presque enterrés - sera en librairie.
Comme tous les albums d’Émile Bravo, il s’agit d’un
travail remarquable de précision, d’intelligence et d’humour ;
enchanteur pour les plus jeunes comme pour les adultes. À bâtons rompus,
nous avons cherché à en savoir un peu plus sur son auteur, le
non moins épatant Émile Bravo, récent lauréat du prix René Goscinny du
meilleur scénariste.
Votre biographie, diffusée par le service de presse Dargaud, est d’une
extrême pudeur… Juste deux, trois pirouettes et quatre titres d’albums
avant d’en venir à Jules… C’est une… dérobade due à
quoi ?
Mais pas du tout ! Dargaud possède une fiche des renseignements
généraux me concernant mais l’attachée de presse a dû l’égarer, aussi se
contente-t-elle de diffuser un poème autobiographique que je
lui avais envoyé pour la séduire…
Si on insiste ? Vous racontez quoi ?
Ha, ha, ha ! Vous autres, les journalistes, vous êtes impayables !
Toujours en quête de potins… Eh bien, soit ! Je vais vous faire un aveu :
elle m’a éconduit comme un malpropre, oui…
Vos trois albums, Biélo, Kino, Tamo étaient remarquables. Vous pouvez nous en parler un peu ?
Merci, je suis touché par le compliment. Aleksis Strogonov était un
jeune personnage idéaliste et naïf qui, au fil du temps et des
expériences, devait sombrer dans un pessimisme obscur puis dans le
désespoir… Mais Dargaud l’a devancé à ce sujet.
Et votre scénariste, Jean Régnaud, qu’est-il devenu ?
Mon ami, Jean Régnaud, lui, a choisi l’Aventure. Le jour, il est grand
reporter à la Caisse d’épargne. La nuit, il gère deux gargotes
parisiennes mal fréquentées ; l’une : Le Robinet Mélangeur est
un lieu de débauche, plaque tournante de la drogue, l’autre : La
Cantine du Batofar installée dans un vieux rafiot, sur la Seine, est une
couverture qui cache un important trafic d’armes… “Ça
rapporte bien plus que de faire du Mickey, crois-moi !” me lance-t-il !
Aleksis Strogonov n’a pas fonctionné auprès du public. Qu’avez-vous ressenti ?
Beaucoup de désarroi ! C’était incompréhensible ! Nous avions créé ce
personnage après une étude de marché : c’était Tintin avec la casquette
de Corto Maltèse, deux grands succès ! Ça ne pouvait
que marcher ! Et les histoires ? Fantastiques ! Nous les écrivions
pour nous. Nous aurions dû fatalement trouver un public qui nous
ressemble !… Bien plus tard, nous avons constaté que nous
n’achetions jamais de bandes dessinées.
Pouvez-vous - quand même ! - nous dire comment vous avez débuté, quel
parcours, quelles influences, en BD et en d’autres domaines ?
Woooouuuuh ! Il nous faudrait des pages ! Disons que j’ai commencé sur
les marges des albums de Tintin (je n’ai jamais été bien
matérialiste…). Puis sur celles de mes cahiers… Non, attendez, tout
ceci est d’une banalité ! J’ai une meilleure anecdote : mon livret de
famille est couvert de dessins ! Précoce, n’est-ce pas ? Et puis, un
jour, ma mère, qui, elle, est très matérialiste, a fini
par m’acheter du papier. Alors, je me suis mis à dessiner des
histoires pour mon père (il se donnait assez de mal, le soir, à m’en
conter pour m’endormir… Je lui devais bien ça). Puis, l’école, le
lycée… Où je distrayais mes camarades avec de petites aventures
(remarquez comme je mets l’accent sur l’histoire bien plus que sur le
dessin qui n’est qu’un vecteur… Vous me suivez ?) Un jour, un
ami me dit : “Émile, plus tard, tu passeras dans l’émission de Patrick
Sabatier, Avis de recherche, et on se retrouvera et on rigolera bien !”
Ce fut une révélation, je me découvrais ambitieux !
Alors que je m’orientais vers une absurde carrière d’ingénieur (moi,
qui n’ai jamais su faire la différence entre un écrou de 10 et une vis
de 5 !) je pris un virage à 180 degrés pour devenir
“ARTISTE” !!! Comme je n’avais que très peu de notion de beaux arts je
me lançais dans la bande dessinée… Attention : n’allez pas croire que
je dénigre le milieu . C’est après avoir lu Pratt (Hugo)
que j’ai pris ma décision : ce type semblait avoir vécu des aventures
fantastiques. C’était une sorte de Kessel ! Moi aussi, j’aspirais à une
vie faite d’exotisme, de bravoure, de plaisir et
d’inconnu ! Bref, l’adolescence, quoi ! Mais le monde d’aujourd’hui ne
s’y prête plus… Aussi, quand je découvris la vie beaucoup moins
dissolue d’Hergé qui ne faisait pas moins rêver grands-parents
et enfants, j’optais pour cette solution… Et puis de toute façon, à
cet âge-là, l’inconnu ; c’est le quotidien… Mais je sens que j’ennuie le
lecteur…
Vous pouvez lire la suite sur le site de
Dargaud
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